Les serviteurs ruraux, les oubliés de la protection sociale

]Les traces du passé : les serviteurs ruraux, les oubliés de la protection sociale. Hubert Ponscarme, médaille du concours régional agricole, Digne, 1883, bronze, collection privée

Département un des plus pauvres de France au XIXe siècle, les Basses-Alpes (devenues depuis 1970 Alpes-de-Haute-Provence), figurent au 83eme rang sur 87 départements quant à leur budget consacré à l’assistance[1]-. L’activité quasi exclusive est l’agriculture, aussi les concours régionaux agricoles publics récompensent annuellement au chef-lieu (Digne) les innovations en matière d’exploitation, les meilleures productions, les cheptels remarquables mais aussi les « travailleurs de la terre » méritants. A ce titre, sur recommandations de leurs maîtres et sur avis des autorités locales en fonction de leurs « qualités morales et physiques », les jurys distinguent ces « prolétaires de la terre » salariés au bas de l’échelle sociale : les valets et les servantes de ferme qui s’emploient souvent au gré de saisons d’exploitation en exploitation. Des médailles de bronze non nominales (rarement parvenues jusqu’à nous et conservées alors dans des conditions médiocres tels en témoignent traces de corrosion et chocs) leur sont décernées publiquement avec une modeste prime financière apportant un palliatif à leur condition sociale précaire. Il ne saurait question qu’ils se constituent une retraite. Aussi, jusqu’à la constitution légale en 1910 des Retraites ouvrières et paysannes, leurs vieux jours sont souvent laissés à la charité de leurs anciens employeurs qui leur permettent parfois de demeurer dans l’exploitation ou bien il sont admis « en qualité d’indigents » à l’hospice départemental.

Olivier Vernier


[1] Voir Anthony Kitts, « Une géographie départementale de la protection sociale : les dépenses d’assistance en France (1880-1914) », à paraître dans la Revue d’histoire de la protection sociale, 2019.