Un contentieux «disparu»: les commissions de première instance de la sécurité sociale.

         

Indice du «succès» dans la population des assurés sociaux français, le contentieux de la sécurité sociale mis en place dès la loi du 24 octobre 1946  à la  suite des ordonnances fondatrices de l’institution  est très tôt analysé par la doctrine[1] car il est souvent très technique mais appréhende des situations humaine souvent poignantes. On y joint souvent le contentieux des prestations agricoles (MSA) en un temps où l’agriculture est encore « dynamique »[2]. Après la réforme judiciaire du 22 décembre 1958, liée à l’instauration de la Ve République, seule la commission de première instance est maintenue et les appels sont portés devant la cour d’appel. Des contentieux dans des secteurs déterminés (armée, très présente dans notre région, en particulier la Marine à Toulon[3]) sont étudiés. Le grand spécialiste en sera l’avocat Luc Bihl[4] (1938-1997), «l’un des juristes les plus ardents de la cause des consommateur »[5]. Le contentieux de la sécurité sociale est de plus en plus[6] enseigné 

La loi no 85-10 du 3 janvier 1985 donne à ces tribunaux leur intitulé de «tribunal des affaires de sécurité social » (TASS). L’article 12 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a supprimé cette juridiction le 1er janvier 2019. Le contentieux est alors traité par des tribunaux de grande instance spécialement désignés, au sein de pôles sociaux[7]. Et il est révélateur de noter que c’est l’aspect médical qui prévaut: à compter du 1er janvier 2020, les tribunaux de grande instance ont été supprimés pour s’appeler dorénavant les tribunaux judiciaires (comme il y a des tribunaux administratifs). Le «TASS» a donc pour successeur le «Pôle social du tribunal judiciaire». Ainsi, les notions de «contentieux général de la sécurité sociale» et de «contentieux technique de la sécurité sociale» sont supprimées et sont remplacées par de nouveaux critères: «contentieux médical de la sécurité sociale» et «contentieux non médical de la sécurité sociale».[8]

Insigne de membre marseillais, métal doré et émaillé, Nice, Drago, vers 1970, collection privée

Dans les commissions, deux assesseurs du président, magistrat professionnel, siégeaient, l’un représentant les travailleurs salariés, l’autre, les employeurs et travailleurs indépendants. Lors des audiences, ils arboraient cet insigne officiel (République française) surmonté de la flamme de la justice, orné de la balance judiciaire, du sigle SS (Sécurité sociale), le socle de la balance figurant peut-être le «très dense» Code de la Sécurité sociale… sur fond des traditionnelles couleurs judiciaires: le «Rouge et le Noir».

Olivier Vernier


[1] La bibliographie débute avec Claude Peignot, Traité du contentieux de la Sécurité sociale, Paris, FNOSS, 1950, 91 p. Il se poursuit, dans un esprit pratique, pour les employeurs et les salariés avec Robert Le Balle et Roger Nowina, Manuel pratique du contentieux de la sécurité sociale, Paris, Sirey, 1956, 330 p.

[2] Joseph Gentil, Le contentieux de la sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole, Landerneau, Secrétariat fédéral de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles du Finistère, 1956, 173 p.

[3] Jean-Marcel Valle, Regards sur les problèmes sociaux, Toulon, 1961, 12 p.

[4] Le Contentieux de la Sécurité sociale et de la Mutualité sociale agricole, Paris, Librairies techniques, 1971, 233 p.

[5] Laurence Folla, Le Monde, 20/08/1997.

[6] François Taquet, Le contentieux de la sécurité sociale, Paris, Litec, 1993, 155 p.

[7] Ce sont du reste deux magistrates en poste à Marseille qui rédigent la première monographie sur la question : Manon Illy et Sylvie Rébé, Contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, Issy-les-Moulineaux, Gazette du Palais, 2019, 170 p.

[8] On lira avec profit : Michel Pierchon,  « 2016-2019 : la saga du contentieux de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide sociale », Revue de l’ ANTASS (Revue de l’Association nationale des membres des tribunaux compétents en matière d’aide sociale  et se sécurité sociale), www.antass.fr


[1] Voir Olivier Faron, Les enfants du deuil : orphelins et pupilles de la nation de la première guerre mondiale (1914-1941), Paris, La Découverte, 2001, 335 p.

Plaque de reconnaissance de l’Office départemental des pupilles de la nation des Bouches-du-Rhône, métal argenté, Séraphin, 1919, collection privée.