Longtemps, le veuvage féminin ne fut pas considéré comme un problème social, et ce, même si pour la femme, la perte de l’époux entraîne bien souvent de lourdes difficultés matérielles : seule une minorité est protégée par les règles du droit civil (contrat de mariage, héritage…). Largement ignorées par les pouvoirs publics, les veuves ne peuvent compter que sur elles-mêmes et sur la solidarité familiale ainsi que, pour les plus démunies d’entre elles, sur la charité ou sur l’assistance publique.
Certes, on constate que depuis la fin du XIXe siècle se développe une protection dérivée de la veuve à travers la technique des pensions instaurées par les lois de 1831 et 1853. Ce système repose sur plusieurs critères : la durée du mariage, la présence ou non d’enfants à charge, l’existence ou l’absence de ressources suffisantes. Avec la Première guerre mondiale, le veuvage féminin est mis sur le devant de la scène et des mesures particulières d’assistance sont prises pour les veuves de guerre : emplois réservés, formation professionnelle, amélioration de la législation des pensions… Parallèlement, la protection dérivée de celles qu’on appelle par opposition les veuves civiles continue son expansion et se perfectionne, mais de façon dispersée dans un contexte économique difficile ; la protection sociale de la veuve restant bien souvent instrumentalisée avec la poursuite d’autres objectifs que celui de lui assurer des moyens d’existence décents. »[1]
Si la première guerre mondiale conduit à la visibilité des associations de veuves de guerre, c’est la Seconde guerre avec le régime de Vichy qui leur donne une place prééminente et symbolique[2] : elles assistent aux cérémonies nombreuses de l’Etat français, arborant, leur broche -qui comme tous les insignes contemporains-, doivent être autorisés. A l’avers : une veuve assise drapée à l’Antique entourée des symboles des disparus : casque et palmes. Au revers figure la francisque et « Hommage du Maréchal à celles qui donnèrent leur mari et leurs fils à la patrie, 1914-1918 et 1939 -1940 », d’autres insignes dûs à la maison Arthus Bertrand arborent la flamme de la France sur fond tricolore.
Cette broche appartenait à une veuve des Hautes-Alpes.
Dès 1946, le Gouvernement provisoire de la République promulguera une loi visant à la création d’un insigne spécial pour les mères, les veuves et les veufs des « Morts pour la France », en témoignage de reconnaissance de la nation française Une commission spéciale fut chargée d’étudier les modalités de création de l’insigne, dont les caractéristiques furent définies par le décret du 15 avril 1947. De nos jours, cet insigne sans ruban, appelé depuis 2005 Insigne des parents, conjoints survivants ou partenaires survivants des « Morts pour la France », est toujours régi par le “Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre” art.10.
Olivier Vernier
[1] Christel Chaineaud, La protection sociale contemporaine de la veuve : 1870/1945, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2012, 368 p. Voir aussi : Peggy Bette, Veuves françaises de la Grande guerre : itinéraires et combats, Bruxelles, Peter Lang, 2017, 325 p.
[2] Voir Michèle Bordeaux, La victoire de la famille dans al France défaite : Vichy-1940-1944, Paris, Flammarion, 2002, 394 p.