Le 16 janvier dernier, le Président de la République Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse a annoncé le lancement d’un « grand plan » de lutte contre « le fléau de l’infertilité » ayant pour objectif notre « réarmement démographique », selon ses termes. La politique familiale est une question très ancienne depuis la Troisième République[1]. Après le régime de Vichy et les « faux semblants » de sa politique nataliste et familiale[2], la IVe République confrontée aux difficultés économiques de la reconstruction, des associations privées tentent de promouvoir et soutenir économiquement les familles nombreuses « avenir de la France.
Le Mouvement Populaire des familles[3] appartient au courant des mouvements familiaux qui constituent en France dès la fin du 19è siècle. Les premières associations sont fondées sur l’entraide et rassemblent principalement les familles nombreuses. Pour le MPF, il s’agit de familles issues du milieu populaire : en 1941, le Ligue Ouvrière Chrétienne créée en 1937 par d’anciens Jocistes, devient le MPF “premier mouvement familiaux ouvrier”, “lien entre les deux bases de la vie ouvrière que sont le travail et la famille”. La participation des familles a donc été essentielle pour le développement et l’animation des services qui ont été créés : dès 1942-43, les premières Associations de l’Aide familiale Populaire, les AAFP/CSF, sont créées à Roubaix et Lyon.
Puis c’est la Libération et l’époque de la reconstruction. L’aide familiale doit passer à une autre dimension, le bénévolat ne suffit plus. Il faut un financement public mais aussi des cotisations d’adhérents en témoigne cette carte de 1947 d’un retraité niçois.
Les principes qui animent ce mouvement soit au delà d’une simple idée spontanée de faire du social, du caritatif, soient belle et bien les bases d’un véritable projet de société : Le MPF se transforme alors en Mouvement de libération du peuple (MLP) en 1950. Des tensions internes liées aux orientations du mouvement entraînent une scission l’année suivante qui donne naissance au Mouvement de libération ouvrière (MLO). Le MLP rassemble environ 5 000 à au milieu des années 1950. Il se fond en 1957 dans l’Union pour la gauche socialiste (UGS), future composante du Parti socialiste unifié (PSU) de 1960.
A l’autre bout de l’échiquier politique et social, – alors plus conservatrice, la Fédération varoise des associations de familles nombreuses et de jeunes foyers est adhérente à la Fédération des familles de France[4]. En 1947, la fusion de quatre grandes associations familiales donne naissance à la Fédération des Familles de France (Fédération nationale des associations de familles nombreuses, Confédération générale des familles, Plus grande famille, Associations générales des familles). Parmi ces associations, l’une revendiquait des prestations familiales et l’autre des services, elles sont apparues au tout début du XXe siècle afin que les pouvoirs publics prennent conscience que les familles étaient les créancières de la Nation. Ces associations ont été les premières à enseigner aux familles l’éducation au budget. Familles de France défend donc depuis sa création le pouvoir d’achat des familles nombreuses : les adhérents “pommes de terre” de l’époque signifiaient ainsi la priorité accordée au panier de la ménagère. Dans les années 1950 et 1960, Familles de France engage également des actions importantes dans le domaine du logement (propositions pour la loi de 1948 établissant la nécessité d’une compensation des charges familiales en matière de logement ; lutte contre l’habitat insalubre en 1963) et des services destinés aux enfants (cantines et ramassage scolaires). Elle obtient l’agrément “association de consommateurs” en 1975.
Dès sa création, la Fédération repose sur des délégués qui démarchent des commerçants pour obtenir aux familles nombreuses et aux jeunes ménages des « avantages commerciaux » (remises sur les prix) : des cartes d’achat nominative (ici un habitant de Carnoules) et des guides mensuels titrés « Familia » sont distribués aux foyers concernés adhérents et financés par les caisses d’allocations familiales qui diffusent par ce biais le memento de l’allocataire.
Olivier Vernier
[1] Cf. Catherine Rollet, La politique à l’égard de la petite enfance sous la IIIe République, Paris, INED, 1990, 593 p. ; Véronique Antomarchi, Politique et famille sous la IIIe République : 1870-1914, Paris, L’Harmattan, 2000, 219 p. ; Virginie Barrusse, Les familles nombreuses : une question démographiqe, un enjeu politique : France, 1880-1940, Rennes, PUR, 2008, 341p. ;;Jean Bart, Alfred Dufour et Jean-Louis Harouel (dir.), Pensée politique et famille : actes du colloque international de Dijon, 21-22 mai 2015, Université de Bourgogne / Association française des Historiens des idées politiques, Aix, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2016, 495 p.
[2] Christophe Capuano, Vichy et la famille : réalités et faux-semblants d’une politique publique, Rennes, PUR, 2009, 354 p.
[3] https/ / www. fnaafp.org.
[4] https //www.inc-conso.fr.