Les récentes révélations qui concernent le fondateur d’une grande œuvre caritative ne doivent pas occulter d’autres actions fraternelles. Pendant longtemps, en Occident, les vieillards impécunieux étaient laissés à la charge des familles[1] ou d’établissements «quasi» carcéraux comme les hospices[2]. A l’époque contemporaine, Les dispositifs mis en place, fondés sur l’assistance ou l’aide sociale, ont toujours été déficients. Longtemps assimilées aux grands infirmes ou aux handicapés, les personnes âgées ont perdu les bénéfices de la politique du handicap à la fin du XXe siècle.
Le maintien à domicile[3] est une solution que l’action privée élabore dès le XIXe siècle dans des villes comme Nice ou Marseille, mais c’est au XXe siècle qu’un philanthrope[4]: Albert Marquiset fonde, au sortir de la Guerre, une association de solidarité envers les aînés «à qui l’on doit des fleurs avant le pain»: Les Petits frères des pauvres.
Le comte Armand Marquiset, né le 29 septembre 1900 à Gagny, appartient à un milieu d’origine aristocratique. Il fréquente les meilleurs établissements scolaires puis, à 19 ans, choisit d’étudier la musique pour devenir compositeur. En 1930, il découvre dans les rues de Paris ce qu’ est la pauvreté et la détresse des autres dont de «nombreux vieillards obligés de mendier ou faire les poubelles ou d’attendre les fins de marchés pour subvenir». Dans le même temps, il accomplit un parcours spirituel personnel qui l’amène à s’interroger sur le sens de sa vie. Il interrompt ses activités musicales et décide de se consacrer aux pauvres. Il écrit qu’en juillet 1939, à Notre-Dame de Paris, «… il eut l’impression que les petits frères fondirent littéralement sur lui et qu’ils entrèrent en lui comme un ouragan.» La guerre éclate et son projet est retardé. Le 19 avril 1946, il déclare à la préfecture de police de Paris l’association Les petits frères des pauvres. «’association a pour objectif d’accompagner les personnes souffrant de pauvreté, de solitude ou de maladie, en particulier les plus de 50 ans»
Devenus progressivement un mouvement plus laïcisé, Les Petits frères des pauvres accompagnent des personnes souffrant d’isolement, de pauvreté matérielle, de précarités multiples. Elle est implantée dans toute la France et dans le monde (Allemagne, Canada, Espagne, États-Unis, Irlande, Mexique, Pologne et Suisse). La Fondation des petits frères des Pauvres a été créée et reconnue d’utilité publique en 1977. En 1979 est fondée une Fédération internationale des Petits frères des pauvres.
En 1986, une médaille représentant à l’avers le fondateur et le revers symbolisant l’aide intergénérationnelle (une jeune fille et un couple de personnes âgées) des Petits frères des pauvres est gravée . Elle fut offerte à une bienfaitrice de Villefranche-sur-Mer qui nous fut chère.
Olivier Vernier
[1] Georges Minois, Histoire de la vieillesse en Occident. T.1 De L’Antiquité à la Renaissance, Paris, Fayard, 1987, 442 p.
[2] Christophe Capuano, Que faire de nos vieux : une histoire de la protection sociale de 1880 à nos jours, Paris, Sciences po, les presses, 2018, 345 p.
[3] Christophe Capuano, Le maintien à domicile : une histoire transversale, France, XIXe-XXIe siècle, Paris, Rue d’Ulm, 2021, 1112 p.
[4] Armand Marquiset, Armand Marquiset, 1900-1981, Paris, Frères du ciel et de la terre, 1981, 107 p. ; Michel Christolhomme, La soif de servir : Armand Marquiset, 1900-1981, Paris, Fayard, 1998, 266 p.