Un régime spécial de protection sociale: l’Agriculture, carte d’électeur à la  MSA (Mutualité sociale agricole) des Hautes-Alpes, 1953

La France demeure jusqu’à la Première guerre mondiale un pays d’agriculteurs. A compter de la seconde moitié du siècle, la société française s’industrialise mais reste majoritairement paysanne même dans notre Midi méditerranéen. Aussi, face aux aléas climatiques et aux épizooties (épidémies animales, de la tremblante du mouton à la fièvre aphteuse bovine), les agriculteurs, incités par les milieux économiques et les notables des chambres d’agriculture et des sociétés savantes  à Marseille, Avignon, Digne, Cannes ou se regroupent spontanément autour de mutuelles pour assurer la protection de leurs « outils de travail » contre l’incendie des récoltes et la mortalité du bétail. La loi du 9 avril 1898 insère –non sans réticence-[1] les salariés contre les accidents du travail, mais pour les exploitants agricoles, à la « Belle Époque », la loi du 4 juillet 1900 consacre l’existence et la libre constitution de puissantes  mutuelles agricoles.


A l’issue de la Grande guerre,  les prémices du système français de protection sociale se mettent en place dans un cadre professionnel, grâce à l’action des rares syndicats agricoles et au rôle croissant de l’Etat. Les salariés agricoles, puis les agriculteurs, bénéficient progressivement des premières lois de protection sociale et utilisent les mutuelles, non plus seulement pour assurer leurs activités professionnelles, mais aussi pour gérer leurs risques sociaux. Ainsi, la loi du 30 avril 1930 instaure l’Assurance Maladie Maternité Décès Vieillesse des salariés agricoles et créée la MSA. En 1938, dans la volonté des pouvoirs publics d’une politique de re-natalité, les allocations familiales sont étendues en 1938 au monde agricole. Quant au régime de Vichy pour qui « La terre en ment pas »  à la différence de la Ville..), elle promulgue  le 2 décembre 1940 la Charte paysanne – à l’instar du Portugal salazariste ou de l’Italie fasciste – avec des mesures de protection sociale, malgré l’échec patent de la politique officielle du « retour à la terre».

Lors de la complexe fondation de la sécurité sociale en 1945, le régime unique de protection sociale ne voit pas le jour. La population agricole fait reconnaître sa capacité à gérer son propre régime[2] ; la protection sociale de la MSA affirme son originalité et s’étend progressivement à tous les risques, dans un souci de parité de prestations entre salariés et non salariés. Aussi, les ordonnances de 45 créant le Régime Général de Sécurité Sociale reconnaissent le caractère d’origine professionnelle de la Mutualité Agricole.
            

En 1947 : la MSA est confirmée officiellement en tant qu’organisme professionnel pour gérer l’ensemble des risques sociaux des assurés agricoles et en 1949 sont organisées les premières élections à la MSA[3]. La mise en place de l’assurance vieillesse des exploitants est votée en 1952 ; et in fine,  la loi du 25 janvier 1961 crée le régime de l’Assurance Maladie des Exploitants Agricoles (AMEXA).
 

Olivier Vernier


[1] Claire-Élise Michard, Un siècle d’histoire des risques professionnels en agriculture (depuis 1898), thèse, Droit, Nantes, 2009, 511 f.

[2] Françoise Manderscheid, Une autre Sécurité sociale, la Mutualité sociale agricole, Paris, 1991, 255 p.      

[3] Cf. Yves Saint-Jours, Traité de sécurité sociale, Tome IV. La protection sociale agricole, Paris, LGDJ, 1984, 410 p.

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