Dans des chroniques et articles précédents ont été évoquées dans notre région méditerranéenne les confréries de pénitents, pieux laïques catholiques qui se vouent depuis le XVIe siècle à l’assistance et à l’entraide envers les plus démunis, incarnant ainsi la vertu théologale de la charité[1]. Ainsi les pénitents blancs du Saint-Esprit dans le quartier du Panier sont approuvés en 1558.
Au XIXe siècle alors qu’après leur suppression lors de l’ère révolutionnaire, les confréries marseillaises, désignées par la couleur de leur habit, sont en «sommeil» ou entrent dans la clandestinité[2], elles se reconstituent de manière complexe[3].
Pour rentrer dans la confrérie des bourras, il fallait «être homme de bien et de bonne renommée, point cabaretier, tavernier, renieur, blasphémateur, paillard, concubinaire, contrevenant aux lois de Dieu et de l’Église» (Augustin Fabre dans Les Rues de Marseille). Une probité sûrement mise à l’épreuve par la pratique de… l’auto-flagellation!
Dans une ville où la laïcisation républicaine à partir de la Seconde République [4] et le socialisme municipal, à partir de la Troisième République[5] finissent par s’imposer[6], la place à l’action caritative des confréries de pénitents se réduit, d’autant qu’une philanthropie privée laïque se développe aussi[7].
Des regroupements s’opèrent: le 18 juillet 1892, la confrérie des Bourras (du Saint-Nom-de Jésus) surnommés ainsi en raison de l’habit en bure qu’ils portent, fusionne avec la confrérie des pénitents noirs.
Une des dernières processions publiques des confréries a lieu sur les pentes de Notre-Dame de la Garde lors des fêtes du couronnement de Notre-Dame de la Garde entre les 18 et 21 juin 1931, cérémonie faste pour l’ensemble de la Provence et au delà. Les blancs portent ainsi la cagoule, symbole d’anonymat.
Olivier Vernier

[1] Pour une synthèse, se reporter aux travaux éminents du membre de notre conseil scientifique : le professeur Régis Bertrand ; ainsi : Les compagnies de pénitents de Marseille : XVIe-XXe siècles, Marseille, La Thune, 1997, 158 p. Pour une première analyse des pénitents gris : Alexandre Julien, Chronique historique de l’archiconfrérie des pénitents disciplinés sous le titre du Saint Nom de Jésus (dits Bourras) de la ville de Marseille. Pour la consolation des criminels condamnés au dernier supplice et l’ensevelissement de leurs corps, le rachat des prisonniers pour dettes, …, Marseille, Vial, 1865, 417 p.
[2] R. Bertrand, « “Sommeil” ou “clandestinité” ? Les pénitents de Marseille entre Louis XVI et Louis XVIII », Provence historique, t. 39, fascicule 156, avril-juin 1989, pp. 185 à 195.
[3] Ainsi, Lucien Fontanier, Confrérie des pénitents noirs de la Décollation de Saint-Jean-Baptiste : Recherches historiques sur les Confréries de Pénitents de Marseille, Aix, Niel, 1923, 91 p.
[4] Analysé par Norbert Rouland, Le Conseil municipal marseillais et sa politique de la IIe à la IIIe République: 1848-1875, Aix-en-Provence, La Calade, 1974, 408 p.
[5] Cf. Patrizia Dogliani, Le socialisme municipal: en France et en Europe, de la Commune à la Grande guerre, Nancy, Arbre bleu, 2018, 352 p.
[6] On le voit : Dr Mazade, Département des Bouches-du-Rhône. Assistance publique. 1° assistance infantile ; 2° protection du premier âge ; 3° assistance médicale gratuite ; 4° pensions de retraite pour les vieillards indigents : 5° oeuvre des crèches, Marseille, Impr. Méridionale, 1898, 278 p.
[7] Emile Camau, Les Progrès de la solidarité. L’Assistance publique et privée dans les Bouches-du-Rhône (1801-1911), Marseille, Barlatier, 1922, 111 p.