La détresse sociale de la reconstruction d’après-guerre:
Médaille de l’Entraide française

  Après l’instrumentalisation  de l’assistance par le régime de Vichy décrite dans des chroniques antérieures publiées sur notre site, avec le Secours National puissant instrument de propagande  et discriminateur. Il a le monopole des appels publics à la générosité et des subventions de l’État ou des collectivités locales. Le produit de la loterie nationale lui est attribué à partir d’octobre 1940. 

À la Libération, le Secours national, en partie épuré, est transformé en Secours social puis en Entr’aide française. Il va être confronté à deux difficultés majeures : son financement et son passé collaborationniste et cela malgré une réorganisation de fond, d’importantes restrictions budgétaires et la nomination de personnalités prestigieuses à la tête de l’œuvre: Justin Godard, maire de Lyon, homme d’Etat aux préoccupations sociales constantes. La la reprise républicaine de la solidarité est réinstaurée. Structures de transition selon Axelle Brodiez-Dollino[1], des délégations départementales sont organisées et remettent aux bénévoles et aux bienfaiteurs ce type de médaille de reconnaissance gravée par Henry Dropsy (1885-1969). Son allégorie s’incarne dans ces trois hommes s’unissant pour redresser ce chêne symbolisant la France qui se relève. Au revers le logo de l’oiseau nourrissant ses petits au nid est évocateur d’une période de persistance de précarités et de la solidarité privée parallèlement à la création la Sécurité sociale. Un cartouche prévoit la gravure du nom du récipiendaire.

Cette médaille fut remise à un bénévole des Alpes-Maritimes.

Olivier Vernier

La détresse sociale de la reconstruction d’après-guerre : Médaille de l’Entraide française, 1944-1947, Henry Dropsy, bronze, Monnaie de Paris, collection privée.

[1] «  L’Entraide française, structure de transition » in Combattre la pauvreté: Vulnérabilités sociales et sanitaires de 1880 à nos jours, Paris, CNRS, 2013.

Le Souvenir Français au service des vulnérabilités sociales:
carnet de vignettes de bienfaisance à coller sur les courriers

Le Souvenir français, institution de mémoire et d’entraide est créée après le traumatisme de la Guerre de 1870 qui voit la perte des «provinces désormais perdues»: l’Alsace et la Lorraine (la Moselle)[1]. Il est créé en 1887 par François-Xavier Niessen (1846-1919), un professeur alsacien installé à Neuilly-sur-Seine. Il développe les associations d’entraide et les sociétés de secours mutuels pour les « exilés » de l’Est. Parallèlement, il élargit ses centres d’intérêt à la sauvegarde de la mémoire des combattants de 1870. En 1887, cette sauvegarde est assurée par deux structures,  l’Etat, qui par la loi du 4 avril 1873 a encadré la création d’ossuaires et de tombes, et une association catholique «l’Œuvre des tombes et des prières». Créée par le père Joseph,  cette association construit des monuments et des stèles en Allemagne pour sauvegarder la mémoire des prisonniers de guerre français et en France, en particulier en Alsace-Moselle et dans la région parisienne. Elle organise de nombreuses messes en hommage aux combattants.

 Entre les gouvernements républicains et l’Œuvre, les relations vont se tendre dans un contexte de mésentente entre l’Eglise et la République. Ainsi le pouvoir politique soutient-il l’action «laïque» de  F.X. Niessen.

Dès lors et jusqu’en en 1914, l’association connaît un remarquable développement. En 1900, Le Souvenir Français regroupe 80 000 adhérents dans 854 comités cantonaux. La création de monuments, de stèles et de plaques se multiplie. En 1900 on estime à 2000 le nombre de lieux de mémoire matérialisés par l’association. Le Souvenir Français s’impose également comme l’acteur principal, aux côtes des amicales régimentaires et des premières associations de vétérans de la vie commémorative. Les couronnes en perle du Souvenir Français ornent les monuments des combattants de 1870 dont l’association a encouragé l’érection en soutenant le vote de la loi de 1890 qui a confié aux communes la responsabilité de ces créations.

En 1906, les relations entre le gouvernement et Le Souvenir Français se renforcent. Le Souvenir Français est reconnu d’utilité publique. La même année, le général Picart, ministre de la guerre du gouvernement Clemenceau réunit à Paris, François-Xavier Niessen et Auguste Spinner (1864-1939) peintre et architecte afin de favoriser la création de comités du Souvenir Français en Alsace-Moselle. 

La victoire de 1918 rend accessible les tombes des combattants. Les comités du Souvenir Français y apposent alors des cocardes tricolores qui permettent à ces tombes provisoires de s’inscrire pleinement dans l’histoire nationale.

  En 1939, on estime à 6 millions le nombre d’adhérents de ces associations. Un adhérent associatif en France sur deux est membre d’une association d’anciens combattants. Un électeur sur trois est un ancien combattant. Bien que la porosité entre Le Souvenir Français et ces associations soit forte, les comités du Souvenir Français perdent la maîtrise de l’organisation des cérémonies patriotiques, en particulier celle de la journée nationale du 11 novembre dont la création a été imposée par le monde combattant à l’Etat en 1922. Le Souvenir Français devient un partenaire du monde combattant. Lors des cérémonies dans notre région à Marseille, Nice, Toulon, Digne ou Gap… des vignettes de bienfaisance et de solidarité pour accompagner l’affranchissement du courrier sont vendues en carnet de 20 exemplaires au prix global modique mais symbolique d’1 fr. sur la voie publique et à l’entrée des cimetières et nécropoles. Elles sont l’œuvre de deux artistes : le dessinateur et graveur parisien Jean Antonin Delzers (1873-1943) et l’architecte alsacien Gustave Umbdenstock (1866-1940). L’allégorie féminine nostalgique brandit la flamme du souvenir sur fond d’un arc de triomphe.

Certes, Le Souvenir Français a pour but premier d’entretenir les sépultures des combattants[2] mais aussi au fur et à mesure des précarités économiques et sociales de venir en aide aux familles des combattants par des conseils, des recommandations d’embauches, des aides aux mineurs… 
Cette situation ne connaîtra que peu d’évolution après la Seconde Guerre mondiale et après les guerres d’Indochine et d’Algérie.

Olivier Vernier

Carnet de vignettes de bienfaisance à coller sur les courriers, J.A. Delzers et G. Umbdenstock, c. 1930, collection privée.

[1] Roland Hoyndorf et Willy Schneider, 1870, la perte de l’Alsace-Lorraine, Strasbourg, Coprur, 2000, 83 p ; Pierre Allorant (dir.), 1870, entre mémoires régionales et oubli national : se souvenir de la guerre franco-prussienne, Rennes, PUR, 2019, 297 p.

[2] Pour un exemple des Alpes-Maritimes : Josette Roboldi, Claude Riboldi et Henri GiaumeMémorial des Contois morts pour la France 1914-1918 édité par le Souvenir français, comité de Contes, La Trinité, Sevac, 2018, 140 p.

Quand le «recyclage» servait à la charité:
boîte de quête, fin XIXe–début XXe siècle en usage dans les Hautes-Alpes

  L’appel à la générosité publique est ancien en Occident: à l’époque moderne quand l’aide publique est encore sporadique et liée souvent à des épisodes dramatiques (guerres, famines, catastrophes naturelles..), des quêtes sont organisées dans des édifices religieux et des lieux publics[1]en faveur des populations éprouvées.

Des dispositifs permanents : troncs insérés dans des piliers ou boîtes de charité spécialement conçues y sont installées 

Les autorités religieuses et les autorités civiles [2] doivent réglementer ces sollicitations. Aussi, les évêques pour le clergé catholique et les préfets, les sous-préfets et les maires pour les pouvoirs publics autorisent jusqu’à la Séparation des Églises et de l’Etat ces manifestations de charité.

Dans certains lieux des quêtes ont aussi lieu à l’époque contemporaine, sur la voie publique à des endroits «stratégiques» lieux de pouvoirs: mairies, sous-préfectures, tribunaux et bien sûr édifices cultuel et édifices de soins: hôpitaux, bureaux de bienfaisance, dans ces deux derniers lieux, ce sont d’ailleurs les administrateurs, notables bénévoles de la charité qui sollicitent leurs pairs. 

Pour notre région méridionale à la disparité économique longtemps prégnante, une forme originale de ces «troncs portables»  est la transformation d’objets du quotidien, telle cette choppe en métal argentée  (ou argent) en usage dans les Hautes-Alpes avec sa fente sur le couvercle et son cadenas et sa clé qui prévenait toute tentation ou détournement…

Olivier Vernier


[1] Cf. Léon Allemand, Histoire de la charité, T. IV, Les temps modernes, Paris, Picard, 1910, 527 + 624 p. ; Jean-Pierre Gutton (dir.), Les administrateurs d’hôpitaux dans la France e l4Ancien régime : actes des tables rondes des 12 décembre 1997 et 20 mars 1998, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1999, 214 p. 

[2] Jacques Thiriet, Les quêtes et les collectes d’après le droit canonique et le droit français, thèse droit canonique,  Toulouse, Institut catholique, 1931, 147 p.

Vichy et les veuves de guerre:
Henri Dropsy (1885-1969), broche “Pro patria”

Longtemps, le veuvage féminin ne fut pas considéré comme un problème social, et ce, même si pour la femme, la perte de l’époux entraîne bien souvent de lourdes difficultés matérielles : seule une minorité est protégée par les règles du droit civil (contrat de mariage, héritage…). Largement ignorées par les pouvoirs publics, les veuves ne peuvent compter que sur elles-mêmes et sur la solidarité familiale ainsi que, pour les plus démunies d’entre elles, sur la charité ou sur l’assistance publique.

Certes, on constate que depuis la fin du XIXe siècle se développe une protection dérivée de la veuve à travers la technique des pensions instaurées par les lois de 1831 et 1853. Ce système repose sur plusieurs critères : la durée du mariage, la présence ou non d’enfants à charge, l’existence ou l’absence de ressources suffisantes. Avec la Première guerre mondiale, le veuvage féminin est mis sur le devant de la scène et des mesures particulières d’assistance sont prises pour les veuves de guerre : emplois réservés, formation professionnelle, amélioration de la législation des pensions… Parallèlement, la protection dérivée de celles qu’on appelle par opposition les veuves civiles continue son expansion et se perfectionne, mais de façon dispersée dans un contexte économique difficile ; la protection sociale de la veuve restant bien souvent instrumentalisée avec la poursuite d’autres objectifs que celui de lui assurer des moyens d’existence décents. »[1]

 Si la première guerre mondiale conduit à la visibilité des associations de veuves de guerre, c’est la Seconde guerre avec le régime de Vichy qui leur donne une place prééminente et symbolique[2] : elles assistent aux cérémonies nombreuses de l’Etat français, arborant, leur broche -qui comme tous les insignes contemporains-, doivent être autorisés. A l’avers : une veuve assise drapée à l’Antique entourée des symboles des disparus : casque et  palmes. Au revers figure la francisque et « Hommage du Maréchal à celles qui donnèrent leur mari et leurs fils à la patrie, 1914-1918 et 1939 -1940 », d’autres insignes dûs à la maison Arthus Bertrand arborent la flamme de la France sur fond tricolore. 

Henri Dropsy (1885-1969), broche « Pro patria », bronze argenté, 29,6 mm, 1942, collection privée

            Cette  broche appartenait à une veuve des Hautes-Alpes.     

Dès 1946, le Gouvernement provisoire de la République promulguera une loi visant à la création d’un insigne spécial pour les mères, les veuves et les veufs des « Morts pour la France », en témoignage de reconnaissance de la nation française Une commission spéciale fut chargée d’étudier les modalités de création de l’insigne, dont les caractéristiques furent définies par le décret du 15 avril 1947. De nos jours, cet insigne sans ruban, appelé depuis 2005 Insigne des parents, conjoints survivants ou partenaires survivants des « Morts pour la France », est toujours régi par le “Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre” art.10.

Olivier Vernier


[1] Christel Chaineaud, La protection sociale contemporaine de la veuve : 1870/1945, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2012, 368 p. Voir aussi :  Peggy Bette, Veuves françaises de la Grande guerre : itinéraires et combats, Bruxelles, Peter Lang, 2017, 325 p.

[2] Voir Michèle Bordeaux, La victoire de la famille dans al France défaite : Vichy-1940-1944, Paris, Flammarion, 2002, 394 p.

Les casiers sanitaires des locaux scolaires à l’issue de la Guerre 

 A l’issue de la Seconde guerre mondiale où les corps et les esprits ont été marqués profondément, le secteur médico-scolaire doit se reconstruire. L’inspection médicale des écoles organisée sous la Troisième République en 1893 avec des délégués cantonaux dépendant des bureaux d’hygiène[1] et dont l’action est amplifiée sous le régime de Vichy, a aussi pour but de prévenir les pathologies sociales[2]:

Des fiches sanitaires individuelles sont établies et les locaux inspectées (avec les casiers sanitaires dénommés de nos jours cabines sanitaires mais parfois de façon sommaire : c’est le cas de l’école mixte Saint-Marcellin de  la petite commune de Châteauroux dans les Hautes-Alpes. Le  casier sanitaire est inspecté le 28 avril 1948 ; aucun personnel de nettoyage mais « l’impression générale sur l’état des bâtiments scolaires est bonne », mais il est nécessaire d’installer l’eau dans un lavabo (au lieu du sceau et du broc..) et l’absence de clôture des locaux constitue un «danger  ; toutefois aucune maladie épidémique alors en recrudescence, n’est constatée (de la rougeole à la typhoïde et des oreillons à l’impétigo). Il faut dire que l’air alpin proche d’Embrun y est « sain » et les populations exogènes rares dans cette commune très peu dense (825 h. en 1946). En 1996, elle deviendra Châteauroux-les-Alpes.

Olivier Vernier

Les casiers sanitaires des locaux scolaires à l’issue de la Guerre : l’inspection de l’école mixte de Châteauroux, Hautes-Alpes, 1948, collection privée

[1] Dominique Desse, Un bicentenaire oublié : la médecine scolaire en France ou deux siècles de luttes incertaines, thèse, Médecine, Caen, 1993, slnp.

[2] Cf. Henri Rouèche, Problèmes médico-sociaux, Paris, Masson, 1947, 32 p.

Aux origines des retraites : médaille d’ancienneté de la Caisse nationale des retraites du  Ministère du Commerce et  de l’Industrie

La  «complexe» réforme actuelle des retraites nous ramène  aux étapes antérieres . De la fin du XIXsiècle et jusqu’au milieu du XXe sont élaborées de nombreuses tentatives de mises en place de régimes de retraite pour les salariés. Elles achoppent principalement en l’absence de contrainte en cas de non-versement de cotisations, la Cour de cassation annulant le caractère obligatoire de ces dispositions.

Certaines professions finissent par obtenir des droits à la retraite : sous la Seconde république en 1850, les premières compagnies privées de chemins de fer fondent t des caisses de retraite pour certains de leurs employés (c’est la création des régimes spéciaux[1])

En 1894, le pénible monde de la mine obtient, dans un cadre obligatoire, un régime de retraite Il est suivi en 1897,  période de militarisation, par les travailleurs des arsenaux et de l’armement et en 1909 pour tous les cheminots des différentes compagnies ferroviaires, système financé par les employeurs et garanti par l’Etat[2].

Le principe d’obligation qui sous-tend la législation  d’alors coexiste avec la liberté du choix de la caisse qui peut être la CNRV, une caisse patronale ou une caisse syndicale agréée. La Caisse nationale des retraites pour la vieillesse (CNRV), réformée en 1886, est contrôlée par une commission de surveillance qui comprend 50 % de hauts fonctionnaires ministériels, 25 % de parlementaires et 25% de présidents de sociétés de secours mutuels et de personnalités du monde industriel.

C’est le graveur de la Monnaie de Paris Alfred Borrel (1836-1927) qui élabore cette médaille en bronze (on connaît des frappes en argent, vraisemblablement selon la durée des fonctions des administrateurs) avec à l’avers son effigie classique de la République et au revers la légende. C’est une médaille d’ancienneté pour le personnel masculin comme féminin de cette caisse de retraite lorsqu’ils prennent leurs propres retraites.., comme c’est le cas de cet agent d’origine du Sud-Ouest.

Olivier Vernier

Médaille d’ancienneté de la Caisse nationale des retraites du  Ministère du Commerce et  de l’Industrie, bronze, 1905, collection privée.


[1] Michel Pigenet, Retraites : une histoire des régimes spéciaux, Paris, ESF, 2008.

[2] Gilles Pollet et Didier Renard, « Genèses et usages de l’idée paritaire dans le système de protection sociale français »Revue française de science politique, 1995, no 4, p. 545-569,

Médaille de table de l’Action sociale des Armées

Aux débuts de la Troisième République, en 1873, la loi du 24 juillet, crée 18 régions militaires métropolitaines dont la 15e: Marseille. La réorganisation d’après la Seconde Guerre Mondiale intervient par le décret du 18 février 1946 et maintient la 9e région militaire à Marseille. Puis avec l’évolution de l’organisation administrative, le pays est divisé en circonscriptions administratives régionales (1963), régions administratives sous l’autorité d’un préfet de région. L’organisation militaire se calque sur  l’organisation administrative et à chaque CAR correspond une division militaire territoriale (DMT). Sur le plan défense, ces divisions militaires territoriales sont regroupées en régions militaires. Les trois armes (rejointes par la gendarmerie rattachée en 2009 au ministère de l’Intérieur) sont présentes dans notre région.

Service ministériel, organisé au début de la Ve République, la Direction de l’Action Sociale des Armées (DASA) est l’instrument privilégié du processus visant l’amélioration des conditions sociales et matérielles d’existence, l’encadrement socio-éducatif et économique des familles. Elle intervient dans tous les domaines et à tous les niveaux du commandement pour assurer une protection sociale par la prévention et la prise en compte des problèmes sociaux des personnels et de leurs familles.

Parallèlement à l’action de l’organisation sociale militaire[1], des associations et des fondations jouent un rôle  notable. Ainsi, depuis 1936 et le Front populaire, la Fondation des Œuvres Sociales de l’Air est une fondation d’entraide et de solidarité qui œuvre pour l’ensemble du personnel  (présent à Salon-de-Provence (13), Le Cannet des Maures (83) ou  Roquebrune-Cap Martin (06) et leur famille en difficulté à la suite d’un accident de l’Air. En 1939 avec la «drôle de guerre»,, l’Association pour le développement des œuvres sociales de la Marine (ADOSM-Entraide Marine) très active à Toulon comme à Villefranche-sur-Mer vient en aide aux familles de marins lorsqu’elles sont touchées par le deuil, la blessure grave, les difficultés d’ordre social. Elle accorde des aides aux jeunes enfants orphelins, des bourses d’études aux collégiens, lycéens et étudiants, des stages de reconversion aux conjoints veufs, des stages de reconstruction aux marins gravement blessés et des secours aux familles en difficulté. Face à l’absence de couverture sociale au profit des militaires de terre et de leur famille, et sur inspiration mutualiste l’association pour le developpement des œuvre d’entraide dans l’armée (ADO), est créée sous l’impulsion du ministre de la Guerre, le 13 janvier 1939, elle est d’emblée reconnue d’utilité publique et œuvre pour le personnel militaire et civil de l’armée de Terre et des services communs, en activité ou retraité. 

Quant à la Fondation Maison de la Gendarmerie, elle  agit depuis 1944 au profit de tous les personnels de la gendarmerie et de leurs familles, confrontés à des situations de détresse lors de drames humains  et sociaux tels que le décès, la blessure, la maladie et le handicap.

La médaille est offerte aux personnels de l’Action sociale des armées. Elle reprend l’insigne interarmes du service et est due à la firme parisienne Drago qui fut d’abord niçoise.  Joseph Séraphin Drago, né à Nice en 1883, se passionne pour l’art de la gravure sur métaux. Il crée son atelier-entreprise de graveur-éditeur dès 1920 à Nice avec une succursale à Paris. Il se spécialise dans l’art de l’insigne militaire et des signes d’appartenance : des objets d’artisanat qui associent l’art de la gravure à celui de l’émail à chaud. En 1948, Charles Emile Drago, le fils de Joseph reprend l’atelier familial et s’installe à Paris, au plus près des grands corps d’armée français, dont il continue à créer les insignes.

Olivier Vernier

Médaille de table de l’Action sociale des Armées, bronze argenté, Paris ; Drago, c.1970, collection privée

[1] Service Historique de la Défense : GR 1 R : Archives de la cellule-Affaire de personnel des armées (APA) du cabinet du ministre de la Défense, 1960-2002. 

Insigne des Bouches-du-Rhône de l’Association française des œuvres hospitalières de l’Ordre de Malte

L’Ordre de Malte est un ordre souverain fondé au Moyen Âge par des marchands amalfitains, du XIIe siècle au début du XIXe siècle il est un ordre militaire[1]. À l’époque contemporaine il conserve sa mission caritative et vient en aide aux populations déshéritées. Il n’exige plus depuis 1864 de preuves de noblesse pour y être admis.

En effet, les œuvres hospitalières françaises de l’ordre de Malte (OHFOM) ou plus communément appelé ordre de Malte France est l’organisme dans notre pays ayant pour objet de réaliser les projets, de gérer l’activité hospitalière et de promouvoir toutes les actions qui expriment les valeurs fondamentales de l’Ordre (ordre religieux laïc de l’Église catholique): «Tuitio Fidei et Obsequium Pauperum» (protection de la foi et service des pauvres). 

Elles ont été fondées en 1927 et reconnues d’utilité publique dès 1928. En France, l’ordre souverain de Malte n’est pas reconnu comme souverain et ne dispose pas dans la capitale d’un ambassadeur mais d’un « représentant officiel ». Ce statut particulier lui a été accordé dans sa définition actuelle en 1991.   L’Ordre de Malte France est actif dans la lutte contre la précarité et l’exclusion sanitaire et sociale (16 établissements médicaux-sociaux et sanitaires pour accueillir et nourrir des enfants et adultes malades ou en situation de handicap) et dans les actions de secourisme SAMU, Brigade des sapeurs-pompiers de Paris) hormis son action dans la lutte contre la lèpre, en Afrique notamment. L’aide aux migrants et aux réfugiés est aussi privilégiée : accompagnement social et juridique des personnes déboutées de leur demande de droit d’asile et des personnes retenues dans des centres de rétention administrative, soutien aux réfugiés.

Pour promouvoir son action auprès du public et lui permettre de faire appel au don en confiance, les membres de l’ordre de Malte France (OHFOM) sollicitaient la population sur la voie publique ou lors de cérémonies religieuses ; leur appartenance à l’ordre se concrétisant par le port  au revers de leur vêtement de cet insigne émaillé fabriqué par la maison Chobillon de Paris.

Olivier Vernier

Insigne des Bouches-du-Rhône de l’Association française des œuvres hospitalières de l’Ordre de Malte, c. 1960, collection privée

[1] Michel de Pierredon, L’Ordre souverain et militaire des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (Malta) : son histoire, son organisation, ses insigne set ses coutumes, Paris, Imp. du Poitou, 1924, 127 p.

Une médaille «arlésienne», la Médaille d’honneur de la santé et des affaires sociales (2012)

Il est en phaléristique (science des décorations et médaille), des décorations «arlésiennes», celles dont on parle comme le personnage du provençal Alphonse Daudet mais qu’on «ne voit jamais». Dans le long héritage des «décorations sociales» de la Troisième République[1] : l’Ordre du  Mérite social (1936), l’Ordre de la Santé publique (1938), la Ve république innove en 2012.

La médaille d’honneur de la santé et des affaires sociales est régie par le décret no 2012-169 du 2 février 2012 relatif à l’attribution de la médaille d’honneur de la santé et des affaires sociales et par l’arrêté du 2 février 2012 relatif à la composition et au fonctionnement du comité de la médaille d’honneur de la santé et des affaires sociales. En application de ces textes, cette distinction honorifique est destinée à récompenser les personnes qui, par la qualité et la durée des services rendus, ont œuvré de manière honorable dans le domaine sanitaire et social. La première promotion de la médaille d’honneur de la santé et des affaires sociales a donné lieu à un arrêté, pris en date du 26 mars 2012, et publié au Bulletin officiel des décorations, médailles et récompenses de la République française (BODMR) du 21 juin 2012.  

On pouvait légitimement s’attendre à ce que la représentation s’en émeuve, sollicitée par des potentiels récipiendaires, au moyen de questions écrites au gouvernement. Ce fut le cas de deux députés : d’abord, Jacques Cresta (Socialiste, républicain et citoyen – Pyrénées-Orientales) le 20/05/2014) à qui le ministre des Affaires sociales, santé et droits des femmes répondit sobrement le  05/01/2016: «Une évolution du dispositif de cette médaille est actuellement envisagée ce qui a conduit à suspendre son application.» Plus tard,  le 19 /01 /2021,  Laurence Vanceunebrock (La République en Marche – Allier) reçut cette réponse plus développée inspirée par la crise sanitaire et la pandémie: «… Depuis lors, et même si une promotion exceptionnelle a été établie en 2019 dans le but de reconnaître l’implication des acteurs du monde sanitaire et social dans la gestion de l’ouragan Irma aux Antilles, le dispositif de la médaille d’honneur de la santé et des affaires sociales est suspendu. Cependant, il est à noter, qu’au titre de la promotion du 1er janvier 2021, un contingent spécial Covid a été alloué dans le cadre des ordres nationaux (Légion d’honneur et Ordre national du mérite). Il a permis de distinguer un nombre important d’intervenants dans le domaine sanitaire et social afin de rendre hommage aux personnes investies dans la crise sanitaire. En outre, la médaille de l’engagement face aux épidémies doit être mise en œuvre au cours de l’année 2021 et doit permettre d’honorer les personnes qui se sont particulièrement engagées dans la lutte contre le coronavirus.»

Et de rechef, voici réapparaître le vieille «Médaille des épidémies»  (1885) mais, cette «médaille de l’engagement face aux épidémies» matérialisait alors l’engagement de certains personnels lors de la grande épidémie de choléra du sud de la France survenue en 1884. Elle fut suspendue par décret le 30 août 1962…

Olivier Vernier


[1] O.Vernier, « Décorations « sociales » et fabrique de l’honneur sous la Troisième république (1886-1939) », in Bruno Dumons et Gilles Pollet (dir.), Journée d’études, La fabrique de l’honneur, Les médailles et les décorations en France,( XIX°-XX° siècles), Rennes, P.U.R, 2009, p.173-183.

Un régime spécial de protection sociale: l’Agriculture, carte d’électeur à la  MSA (Mutualité sociale agricole) des Hautes-Alpes, 1953

La France demeure jusqu’à la Première guerre mondiale un pays d’agriculteurs. A compter de la seconde moitié du siècle, la société française s’industrialise mais reste majoritairement paysanne même dans notre Midi méditerranéen. Aussi, face aux aléas climatiques et aux épizooties (épidémies animales, de la tremblante du mouton à la fièvre aphteuse bovine), les agriculteurs, incités par les milieux économiques et les notables des chambres d’agriculture et des sociétés savantes  à Marseille, Avignon, Digne, Cannes ou se regroupent spontanément autour de mutuelles pour assurer la protection de leurs « outils de travail » contre l’incendie des récoltes et la mortalité du bétail. La loi du 9 avril 1898 insère –non sans réticence-[1] les salariés contre les accidents du travail, mais pour les exploitants agricoles, à la « Belle Époque », la loi du 4 juillet 1900 consacre l’existence et la libre constitution de puissantes  mutuelles agricoles.


A l’issue de la Grande guerre,  les prémices du système français de protection sociale se mettent en place dans un cadre professionnel, grâce à l’action des rares syndicats agricoles et au rôle croissant de l’Etat. Les salariés agricoles, puis les agriculteurs, bénéficient progressivement des premières lois de protection sociale et utilisent les mutuelles, non plus seulement pour assurer leurs activités professionnelles, mais aussi pour gérer leurs risques sociaux. Ainsi, la loi du 30 avril 1930 instaure l’Assurance Maladie Maternité Décès Vieillesse des salariés agricoles et créée la MSA. En 1938, dans la volonté des pouvoirs publics d’une politique de re-natalité, les allocations familiales sont étendues en 1938 au monde agricole. Quant au régime de Vichy pour qui « La terre en ment pas »  à la différence de la Ville..), elle promulgue  le 2 décembre 1940 la Charte paysanne – à l’instar du Portugal salazariste ou de l’Italie fasciste – avec des mesures de protection sociale, malgré l’échec patent de la politique officielle du « retour à la terre».

Lors de la complexe fondation de la sécurité sociale en 1945, le régime unique de protection sociale ne voit pas le jour. La population agricole fait reconnaître sa capacité à gérer son propre régime[2] ; la protection sociale de la MSA affirme son originalité et s’étend progressivement à tous les risques, dans un souci de parité de prestations entre salariés et non salariés. Aussi, les ordonnances de 45 créant le Régime Général de Sécurité Sociale reconnaissent le caractère d’origine professionnelle de la Mutualité Agricole.
            

En 1947 : la MSA est confirmée officiellement en tant qu’organisme professionnel pour gérer l’ensemble des risques sociaux des assurés agricoles et en 1949 sont organisées les premières élections à la MSA[3]. La mise en place de l’assurance vieillesse des exploitants est votée en 1952 ; et in fine,  la loi du 25 janvier 1961 crée le régime de l’Assurance Maladie des Exploitants Agricoles (AMEXA).
 

Olivier Vernier


[1] Claire-Élise Michard, Un siècle d’histoire des risques professionnels en agriculture (depuis 1898), thèse, Droit, Nantes, 2009, 511 f.

[2] Françoise Manderscheid, Une autre Sécurité sociale, la Mutualité sociale agricole, Paris, 1991, 255 p.      

[3] Cf. Yves Saint-Jours, Traité de sécurité sociale, Tome IV. La protection sociale agricole, Paris, LGDJ, 1984, 410 p.