Dès la loi de 1898, avec la «Charte de la Mutualité» sont prévues des caisses mutualistes de soins. Elles sont bien rares au début et ne peuvent être créées que dans des régions de forte industrialisation (Paris, Lyon, Est..) avec une importante population de salariés et des salaires ouvriers et employés plus conséquents pour permettre de verser les cotisations. Avec les progrès de la médecine et en particulier des actes chirurgicaux aux effets financiers souvent importants pour les patients, -d’autant que s’il existe parfois des médecins de la mutuelle, il y a très rarement des chirurgiens-, les cliniques mutualistes sont rares: elles naissent en 1910 et pour notre région à Marseille en 1927[1] ; elles se développent sous le Front populaire[2] en 1936 puis après la Seconde Guerre mondiale et ses tragiques conséquences pour la santé de la population. Néanmoins, les opérations chirurgicales sont soumises à une procédure administrative «rigoureuse».
C’est le cas à Digne, dans les Basses-Alpes d’alors. La Caisse chirurgicale Mutualiste d’un des départements les plus pauvres de France est créée en 1933 approuvée par arrêté ministériel. Avant de bénéficier des «avantages de la Caisse, l’adhérent (en l’occurrence) l’adhérente qui a besoin d’une opération» doit satisfaire à un stage, terme singulier pour signifier cinq années de cotisation avant toute opération de chirurgie.
La procédure n’est ni simple ni automatique. Il doit en effet, dans les trois jours avant l’opération, remplir des obligations «drastiques»:
1°Faire connaître au chirurgien et à la clinique sa qualité de membre de la Caisse
2° Verser la somme nécessaire pour compléter les cinq années de cotisation à dater du jour de l’admission
3°Adresser à la Caisse un certificat médical s’il doit subir une intervention « dans un établissement non agréée ou hors des limites du département » (on songe à Marseille, Nice, Grenoble..)
4° Prendre en charge le supplément en cas de chambre particulière
La démocratisation viendra lors des «Trente glorieuses».
Olivier Vernier
[1] Voir Olivier Faure, Les cliniques privées. Deux siècles de succès, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 281 p. ; Charlotte Siney-Lange, La Mutualité, grande semeuse de progrès social. Histoire des œuvres sociales mutualistes (1850-1976), Paris, La Martinière, 2018, 397 p.
[2] Pour un exemple septentrional : Daniel Gourdet, La Mutuelle de Seine-et-Marne 1936-2002: voyage au coeur de la Mutuelle au kangourou, Montigny-sur-Loing, Prem’edt, 2013, 252 p.