Au centre du cimetière de Lambesc à 25kms d’Aix s’élève une colonne qui rappelle le séisme du 11 juin 1909 où la terre trembla en Provence, le plus fort séisme du XXe siècle[1] ressenti dans toute la Basse-Provence avec 6,2° sur l’échelle de Richter. L’épicentre en fut: Lambesc, Saint-Cannat. Cinq villages sont détruits, plusieurs fortement endommagés (Venelles, Rognes, Lambesc, Pélissanne, Saint-Cannat, Salon, Vernègues)… A Lambesc, on compte 14 morts, 12 blessés graves. Cinquante constructions sont détruites et 600 endommagées. 1500 constructions sont déclarées à démolir ou nécessitant des travaux très importants. Pour les Bouches-du-Rhône, on déplore en tout 46 morts, et 250 blessés. Les solidarités locale, départementale et régionale se manifestent alors. Des souscriptions en faveur des victimes et de leurs familles sont lancées dans tout l’espace méridional. Une convention entre le Crédit foncier et l’Etat fut signée pour apporter des aides à la reconstruction.
Olivier Vernier
[1] Voir Estelle Bonet-Vidal, Séismes en Provence : du tremblement de terre de Lambesc de 1909 à la Provence sismique d’aujourd’hui, Sophia Antipolis, Campaniles, 2009, 95 p.
Dans l’immédiate après-guerre, en raison des problèmes sanitaires et sociaux qui demeurent, un arrêté du 11 février 1950 porte création un diplôme spécial de donneur de sang pour encourager la transfusion sanguine bénévole et reconnaître la solidarité. Il sera modifié par les arrêtés du 20 juin 1961, du 3 juillet 1979 et du 12 janvier 1981. L’insigne de boutonnière « SOS Sang » « pour sauver des vies humaines » en métal émaillé gravé par l’héraldiste Robert Louis qui figure sur le diplôme est fabriqué par la maison Arthus Bertrand à Paris et le diplôme signé par le ministre en charge de la Santé publique et de la Population est remis par les préfets lors de cérémonies publiques relayées souvent par la presse.
En 2002, ministre de la Santé, Bernard Kouchner modifiera les conditions d’attribution en prévoyant 7 niveaux de dons (de 3 à + de 200 dons), les diplômes sont décernés désormais par les Établissements français du sang mais reconnaissons que l’on rencontre dans les rues de moins en moins de concitoyens portant cet insigne symbole d’altruisme.
Installé dans l’église paroissiale (sont encore visibles les traces des cierges l’entourant), ce coffre présente en façade la mention Charitas (Charité) et sur le couvercle, les mots « seigle », « orge » et « avoine » entoure les trappes à glissières. Symbole de l’entraide, Il était destiné à recevoir les offrandes en nature pour permettre aux plus précaires de la paroisse d’ensemencer leurs terres et de pouvoir survivre.
Il est lié aux monts frumentaires qui prêtaient gratuitement des céréales en Provence.
Les impôts à l’époque contemporaine prêtent rarement à sourire, encore que[1]. Mais les dénominations peuvent parfois prêter à confusion. Tel est le cas de celui dénommé parfois «taxe sur les pauvres»[2] qui n’est pas perçue -et pour cause- à leur encontre mais à leur profit! On parlera plus volontiers de «droit des pauvres» même si on est encore bien loin de la reconnaissance des droits sociaux, toujours discutée par la doctrine contemporaine[3].
Instaurée au Moyen-âge dans certaines communes, en particulier septentrionales (Abbeville, Paris avec le Grand bureau des pauvres de la ville et faubourgs) après la constitution du puissant mouvement urbain ayant pour finalité de dégager les villes du carcan féodal, d’abord, la taxe des pauvres alimente les premiers budgets municipaux d’assistance[4]. Elle est affinée aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mais elle avait parallèlement pris une autre connotation: au début du XVe siècle, une ordonnance de Charles VII en 1407 associe les malheureux aux bénéfices des représentations théâtrales à Paris[5] en autorisant des quêtes volontaires. Puis au XVIe siècle, les entrepreneurs de jeux et mystères de l’Ancien testament dont la Passion du Christ abonderont obligatoirement cette taxe sociale. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, à l’instar d’autres nations européennes[6] qu’une législation d’ensemble institue au profit des pauvres un droit fixe proportionnel (1/6eme) aux prix d’entrée dans les spectacles. Cette perception donne lieu à des difficultés telles que le pouvoir doit placer à l’entrée des lieux de loisirs des agents des administrations hospitalières…L’impôt devient très impopulaire dans les catégories supérieures et il fut «abonné», c’est-à-dire que son montant est forfaitairement perçu. Mais dans le Midi, en particulier dans la Provence à l’économie «contrastée», les activités théâtrales et musicales sont alors bien estompées[7].
Paradoxalement, la Révolution qui, on le sait[8], n’a pas à l’origine, de véritable vocation philanthropique, supprime le 13 janvier 1791 la taxe à la grande satisfaction des entrepreneurs de spectacles qui toutefois se voient en l’an IV (1795) contraints à donner une représentation dont les bénéfices nets sont versés à la caisse des hospices. Sous le Directoire, en l’an V, en raison de la précarité accrue, une augmentation de 10% sur le prix des billets d’entrée de tous les spectacles «sur l’ensemble du territoire de la République» est décidée par la loi du 7 frimaire (27 novembre 1796) «pour secourir les indigents qui ne sont pas dans les hospices». Le régime napoléonien conforte l’impôt par le décret impérial du 9 décembre 1809 : le droit des pauvres devient permanent et définitif[9]. Il va se complexifier. Les établissements communaux d’assistance (bureaux de bienfaisance, hôpitaux, hospices puis à compter de 1893, les bureaux d’assistance médicale gratuite) en sont bénéficiaires. Dans notre région méridionale: les villes de Nice, Aix, Marseille, Avignon, Draguignan ou Toulon sont concernées. En 1840 et 1875, la réglementation par des lois de finances est complétée pour les concerts quotidiens (à l’intention des hivernants) et non quotidiens. Enfin, à la suite de la Grande Guerre, en 1920 et 1921, une taxe d’Etat (25% en sus du prix d’entrée) est instaurée, les spectacles cinématographiques, un art «diffusé en public» à La Ciotat, sont concernés. Tous les spectacles publics très prisés dans notre région sont alors touchés: des courses de taureaux aux dancings, des cafés-concerts des fêtes foraines aux tirs aux pigeons, du music-hall marseillais de l’Alhambra aux opéras municipaux d’Avignon, de Toulon et de Nice, des patronages dignois aux pastorales marseillaises. Les appareils automatiques ne sont pas oubliés: orchestres mécaniques, phonographes, vues, même les jeux de force… au point qu’en 1926 une codification de la législation en matière de contributions indirectes devient nécessaire et l’assiette de l’impôt est uniformisée, le nouveau dispositif est édicté sous peine d’amendes et de fermetures d’établissement.
Pour ne pas léser les indigents dans cette période de reconstruction économique d’après-guerre où leur nombre s’est accru, les entrées gratuites sont taxées au même titre que les entrées payantes et les entrées à prix réduit sont aussi logiquement concernées. Mais une troisième taxe est instaurée: les municipalités sont libres de créer ou non une taxe sur les spectacles, elles le font volontiers pour nos villes dotées de salles de spectacles et sa quotité est fixée par le conseil municipal et approuvée par l’autorité préfectorale. Même dans certains bals, une rétribution modeste est demandée. On en vient à taxer toutes les recettes réalisées dans l’établissement: vestiaire, lavabo, téléphone, vente de programmes, location ou vente de tous objets. Les bals de société organisés occasionnellement par les sociétés locales depuis les Excursionnistes marseillais jusqu’aux cercles varois et aux mutuelles niçoises, les bals forains fréquents lors des fêtes patronales, tous ces éléments de la sociabilité méridionale chers à Pierre Chabert[10], sont taxés en faveur des pauvres, de même pour les banquets suivis de bals tandis que les cafés avec orchestre à Nice, à Cannes ou Draguignan sans prix d’entrée y échappent logiquement. Les cabarets d’auteur dans lesquels les artistes déclament ou chantent leurs œuvres, parfois en langue régionale «tolérée» (provençal, niçois, gavouot – l’Alpin de la région Provence-Alpes-) ont des taxes réduites. N’oublions pourtant pas l’implacable combat de la Troisième République contre le régionalisme culturel[11]. En revanche, les représentations à bénéfice données au profit « d’artistes âgés ou malheureux », de leurs veuves et enfants, en une époque où le monde artistique de la province n’a pas la chance de bénéficier de l’hospice de Ris-Orangis en région parisienne pour les «vieux artistes». Quant aux sports modernes (billard ou boxes), ils obéissent à un régime spécial tandis que les concours hippique spectacles payants à Marseille comme à Nice, ils sont soustraits au paiement de la taxe d’Etat car ils contribuent «à l’amélioration de la race chevaline», les lobbies sont alors puissants alors que des sports mondains comme le golf sont taxés à Mandelieu-La Napoule. Quant au tennis, les nombreuses sociétés constituées à Nice, Cannes ou au cap d’Antibes louant leurs courts sans les réserver à leurs membres, elles doivent payer l’impôt social. Les sports populaires (boxe, lutte..) sont néanmoins taxés à un taux moindre.
L’accès à la culture n’est pas alors populaire[12]: les musées sont ainsi, à Gap, Marseille, Toulon, Fréjus, Nice, Menton soumis à l’impôt sur le prix d’entrée de même pour les visites guidées de monuments historiques. Dans les villes sans taxe municipale spécifique, le nouveau spectacle populaire et enchanteur qu’est le cinéma dont on connaît les talents et les palettes dans notre région[13], il suffit de songer au rôle élégiaque d’un Marcel Pagnol[14] (Joffroy(1933), Angèle (1934), Regain (1937), Nais (1945) et à celui cynique, d’un Jean Vigo (A propos de Nice (1930)[15] est taxé à 10% de droit des pauvres sur les recettes mensuelles. A l’autre extrémité du spectre des loisirs de luxe: les thés-concerts «établissements de luxe, fréquentés dès le milieu de l’après-midi, par une clientèle oisive»[16] et les soupers-concerts même pour les réveillons de fin d’année pris à la sortie des salles de spectacles sont taxés. On retrouve là le cadre dramatique d’un «poème social»[17].
Pour contrôler le nombre d’entrées, l’Administration fiscale exige qu’aucun spectateur ne pénètre dans l’établissement sans être muni d’un billet extrait «d’un carnet à souches numérotés en série continue». Un régime des exonérations est limitativement prévu: les établissements publics, bureaux de bienfaisance, hôpitaux, offices des pupilles de la Nation, les œuvres reconnues d’utilité publique ayant un caractère de bienfaisance, les sociétés de secours mutuels d’utilité publique ou approuvées, les œuvres de guerre, les fédérations et sociétés sportives, les associations d’anciens combattants, les associations d’éducation populaire, toutes et tous ayant déjà un but social et d’entraide, cependant seules représentations données au profit exclusif d’œuvres exonérées; seules les représentations «exceptionnelles et accidentelles (sic)» sont concernées. Quant aux représentations de gala organisées dans un but de bienfaisance, songeons au Bal des petits lits blancs «décentralisé» à Cannes,elles ne bénéficient que d’une seule réduction tandis que les ventes de charité nombreuses dans l’entre-deux-guerres ne sont pas soumises à l’impôt sauf si bien sûr, un divertissement les accompagne.
Les quittances délivrées pour perception de l’impôt en numéraires sont soumises à l’apposition d’un timbre fiscal spécial car semi-privé puisqu’émis par les organismes professionnels du spectacle, tel qu’il apparaît dans le document iconographique joint, décliné en 10 valeurs de 5c à 1,50 f. Est figurée une allégorie à l’antique des arts du spectacle versant son obole dans «l’urne des pauvres», avec la mention «un décime par franc en sus du prix de chaque billet. Loi du 7 frimaire an VI». En 1924, ce droit de timbre est dispensé, modernisme oblige, pour les paiements par voie de chèque.
Cette fiscalité originale traduit une vision sociétale où les plaisirs et les loisirs des uns plus aisés peuvent contribuer à soulager ou réduire les affres économiques de ceux moins favorisés par le sort. C’est la fin d’un monde. Son avant dernier avatar sera sous le régime de Vichy qui lui substitue un impôt sur les spectacles jeux et divertissements au profit des communes[18]. En 1947 cet impôt relève désormais des contributions indirectes.
Olivier Vernier
[1]Code Général des impôts directs et taxes assimilées texte intégral des lois, décrets, décrets-lois, décret de codification, suivi d’un formulaire administratif. Illustré par Joseph Hémard, Paris, Editions littéraires et artistiques : le Triptyque, 1944, 331 p.
[2] Voir O.Vernier, « Le droit des pauvres », Michel Laroque (dir.), Contribution à l’histoire financière de la Sécurité sociale, Paris, La Documentation Française, 1999, p. 156-157.
[3] On pense naturellement à Robert Castel (1933-2013), L’insécurité sociale : qu’est-ce qu’être protégé ? , Paris, Seuil, 2003, 95 p.
[4] Marcel Fossoyeux, « La taxe des pauvres au XVIe siècle : les premiers budgets municipaux d’assistance », Revue d’histoire de l’église de France, tome XX, juillet-septembre 1934, 28 p.
[5] Georges Pillu et Henri Béchet, Les impôts sur les spectacles : droit des pauvres, taxes d’Etat, taxe municipale, Paris, Dalloz, 1928, 263 p.
[6] Gabriel Cros-Mayrevieille, Le droit des pauvres sur les spectacles en Europe : origine, législation, jurisprudence, Paris, Berger-Levrault, 1889, 208 p.
[7] Sur les spectacles en Provence : Jahiel Ruffier-Meray-Coucourde, Les institutions théâtrales et lyriques en Provence et leurs rapports avec les théâtres privilégiés de Paris sous l’Ancien régime et pendant la Révolution, thèse, Droit, Aix-Marseille 3, 2009, 990 f.
[8] Alan Forrest, La Révolution française et les pauvres, Paris, Perrin, 1986, 283 p.
[9] Voir Jérôme Renaud et Sylvain Riquier, Le spectacle à l’impôt : inventaire des archives du droit des pauvres à Paris, début XIXe siècle- 1947, Vélizy, Doin, coll. Histoire des hôpitaux, 1997, 125 p.
[10]Pierre Jean Chabert, Les cercles, une sociabilité en Provence, Aix, Publications de l’Université de Provence, 2006, 279 p.
[11] Paul Sérant, La France des minorités, Paris, Laffont, 1965, 411 p. et Georg Kremnitz (dir.), Histoire sociale des langues de France,Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, 906 p. A contrario : Anne-Marie Thiesse, Écrire la France : le mouvement littérairerégionaliste de langue française entre la Belle Époque et la Libération, Paris, PUF, 1991, 314 p.
[12] Sandrine Faraut Ruelle, Les musées en province de la Révolution à la Libération (1789-1945) : l’exemple du Sud-Est et de la Corse, Thèse, droit, Nice, 2015, 532 f.
[13] François Morénas, Le cinéma ambulant en Provence, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1981, 210 p. ; Daniel Armogathe et Pierre Echinard, Marseille, port du 7e art, Marseille, Laffitte, 1995, 175 p. ; René Prédal, 60 ans de cinéma : Nice et le septième art, Nice, Serre, 1981, 156 p.
[14] Marion Brun, Marcel Pagnol, classique-populaire : réflexions sur les valeurs d’une oeuvre intermédiaire, Paris, Garnier, 2019, 836 p.
[15] Thierry Guilabert, Jean Vigo libertaire : « A propos de Nice », Saint-Georges d’Oléron, Les Editions libertaires, 2018, 167 p.
[16] Georges Pillu et Henri Béchet, op. cit. , p. 342.
[17] Traduite de façon émouvante par le poème « La Charlotte » publié par Jehan Rictus (1867-1933) dans Les soliloques du pauvre, 1897 et interprétée par Marie Dubas vers 1930 sous le titre La prière de la Charlotte.
[18] Voir Morgane Roffé, Le droit et la police des jeux de hasard dans les Alpes-Maritimes aux XIXe et XXe siècles (1800-1954), Thèse, droit, Nice, 2017.
Programmé en amont de la Covid-19 pour commémorer le tricentenaire de la peste de 1720 à Marseille, ce colloque donne une occasion unique de réfléchir sur les fléaux épidémiques au moment même où nos sociétés en font l’expérience. Il a réuni historiens, archéologues, anthropologues, historiens de l’art, philologues, biologistes, épidémiologistes, géographes et philosophes.
Les musées de Marseille et les laboratoires de recherche d’Aix-Marseille Université unissent leurs forces pour le partage des savoirs !
Réalisée par Jeanne Menjoulet, il réunit de nombreux témoignages d’acteurs et d’experts. Le Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale lui a prêté son concours avec son fonds d’archives orales. Sa durée est d’un peu plus d’une heure.
A la suite de la victoire du Front populaire, un droit social nouveau est élaboré. Les congés payés sont négociés le 7 juin 1936 par la signature des accords de Matignon entre le nouveau Président du conseil, Léon Blum, la Confédération générale du patronat français et la Confédération générale du travail. Le Journal Officiel du 20 juin 1936 publie la loi instituant 15 jours de congés payés annuels[1] (et la semaine de 40 heures). Cette année-là, 600 000 personnes partent en vacances. Léo Lagrange, sous-secrétaire d’Etat aux Sports et à l’Organisation des loisirs auprès du ministre de la Santé publique, négocie un billet populaire de chemin de fer congés annuel à tarif réduit dont 907 000 personnes bénéficient en 1937. Cette même loi prévoyait la constitution de caisses de compensation entre les employeurs dans certaines professions désignées par décret dont le puissant secteur du bâtiment et des travaux publics qui réunit des entreprises très différentes à effectif variable en fonction des chantiers et des saisons. Aussi les bases du régime spécial des congés payés dans le bâtiment et les travaux publics sont fixées par le décret du 18 janvier 1937 et l’arrêté du 8 mars 1937. Les caisses du réseau national et la caisse de surcompensation sont créées entre 1937 et 1947, elles gèrent le chômage-intempéries et les congés payés.
Pour célébrer le trentenaire de leur création, le réseau des caisses de BTP fait appel à une sculptrice et médailleuse moderne, rouennaise, spécialisée dans les «médailles sociales» dont la médaille officielle d’ancienneté frappée sous l’égide du ministère du Travail, pour la Caisse nationale de prévoyance (1975) pour récompenser les salarié-e-s. A l’avers est représentée une scène de chantiers de construction assurément très contemporaine mais au revers trois jeunes gens salariés découvrent, comme trente ans auparavant leurs prédécesseurs des paysages de montagne et des paysages maritimes « intemporels » qui évoquent nos montagnes (Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes) et nos littoraux bas rhodaniens, varois et alpins-maritimiens[2] contemplés pour la première fois par les salariés en congés en 1936.
L’année suivante la crise sociale du mois de mai 1968 cristallisera les revendications face à une société que d’aucuns considéreront comme «figé».
Olivier Vernier
[1] André Hut (dir.), Congés payés 36 : histoire et idéologies : actes du colloque organisé à Bruxelles le 29 novembre 1986 par le mouvement Culture-Tourisme-Loisirs, CTL, Bruxelles, Reflet, 1991, 126 p.
[2] Analysés de manière cynique et anticipée par le cinéaste Jean Vigo, A propos de Nice (1929).
Il s’agit des “plaques” au sens de l’’historien aixois de la langue méridionale Jean-Claude Bouvier : Les noms de rues disent la ville, Paris, Bonneton, 2007, 223 p.
Si le XIXe siècle est assurément le siècle des bienfaiteurs dans l’ensemble de notre pays[1] et dans notre région[2], cette volonté des personnes privées de «compléter» dans les temps républicains de la Troisième république l’assistance publique, puis sous la IVe et la Ve république l’action sociale des organismes de sécurité sociale, perdure. Les actions des particuliers se concrétisent par des libéralités charitables de leur vivant (fondation) ou après leur mort (legs). Les collectivités locales bénéficiaires tiennent à commémorer ces actions d’entraide dans l’espace public : les noms de rues appelés en droit administratif «hommages publics» en portent témoignage. Quelquefois sont élevées pour les plus importants sur l’espace public des statues : on connaît bien pour Marseille la statue érigée devant la cathédrale de la Major de Mgr de Belsunce, évêque lors de l’épidémie de peste[3] qui toucha cruellement la Provence en 1720. Mais les institutions religieuses et laïques souhaitent entretenir le souvenir des actes de charité et d’entraide. Nous avons eu l’occasion de les évoquer lors d’articles précédents sur notre site ou dans les pages de notre revue annuelle. On peut regretter souvent que les traces de plaques commémoratives et mémorielles se perdent néanmoins lors de rénovations urbaines rendues nécessaires certes par l’amélioration de l’habitat et de l’environnement.
Dans le vieil Antibes, une plaque de marbre évoque le souvenir d’un couple issu de vieilles familles antiboises: Jacques René Gansard (1894-1977) donateurs d’un immeuble à la paroisse d’Antibes « pour la garderie enfantine » permettant aux jeunes mères de confier leurs enfants avant que l’école maternelle ne puisse les accueillir. Dans la rue du docteur Jacques Ugo menant au centre de Vallauris une plaque apposée sur la façade de la MJC rappelle la fondation par Paul Derigon, (1901-1982) maire communiste entre 1945 et 1977, d’une «maison du peuple» «pour les habitants de Vallauris Golfe Juan que j‘ai tant aimés», lieu alors de convivialité et de culture entre les générations.
Olivier Vernier
[1] Pour une analyse de synthèse : François Ewald, Histoire de l’Etat providence : les origines de la solidarité, Paris, Grasset, 1996, 317 p. ; Colette Bec, L’assistance en démocratie : les politiques assistantielles dans la France des XIX et XXe siècles, Paris, Belin, 1998, 254 p ; André Gueslin, Gens pauvres, pauvres gens dans la France du XIXe siècle, Paris, Aubier, 1998, 314 p ; Yannick Marec, Pauvreté et protection sociale aux XIXe et XXe siècles : des expériences rouennaises aux politiques nationales, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, 404 p.
[2] Un exemple : Olivier Vernier, D’espoir et d’espérance : l’assistance privée dans les Alpes-Maritimes au XIXe siècle, 1814-1914 : bienfaisance et entraide sociale, Nice, Serre, 1993, 542 p.
[3] On se reportera avec profit à la synthèse d’histoire moderne de Gilbert Buti, professeur émérite d’Aix-Marseille Université : Colère de Dieu, mémoire des hommes. La peste en Provence 1720-2020, Paris, Cerf, 309 p.
Les plaques en mémoire de Jacques René Gansard (à gauche) et Paul Derigon (à droite)
Les débuts de la Troisième République sont les prémices d’une union entre l’assistance publique et l’assistance privée, une étape du «pacte républicain», c’est-à-dire qu’il faut éradiquer par des réformes législatives les détresses sociales [1] plutôt que de risquer d’affronter des mouvements populaires redoutés par le pouvoir politique et la société car demeure en mémoire la Commune de Paris de 1870. C’est en 1889 que l’avocat lyonnais Hermann Sainte-Marie Sabran (1837-1914), fervent adepte du christianisme social, président du Conseil général d’administration des Hospices Civils de Lyon, lors du 1er congrès international d’assistance réuni à Paris (en commémoration du centenaire de la Révolution française), évoque la nécessité d’une collaboration plus étroite entre les acteurs publics et privés des institutions hospitalières et des institutions d’assistance. Philanthrope reconnu dans sa ville, il devient dans notre région conseiller général du Var et achète 25 hectares de terres sur la presqu’île de Giens à Hyères en mémoire de sa fille unique Renée, décédée à l’âge de huit ans de tuberculose. Il en fait don en 1888 aux Hospices civils de Lyon pour recueillir les enfants pauvres hospitalisés à l’hôpital de la Charité de Lyon[2]. C’est l’origine de l’hôpital maritime Renée-Sabran inauguré en 1892. Il fut aussi propriétaire du château de Brégançon à Bormes-les-Mimosas, dont fut détaché le fort de Brégançon devenu en 1963 la demeure estivale du président de la République.
Olivier Vernier
[1] Colette Bec, Assistance et République : la recherche d’un nouveau contrat social sous la IIIe République, Paris, Ed ; de l’Atelier, 1994, 254 p.
[2] Marcel Colly, L’Hôpital Renée-Sabran à Giens, Lyon, Audin, 1958, 47 p.
Oscar Roty, Médaille d’argent d’honneur de l’Assistance Publique, Paris, Monnaie de Paris, 1897, collection privée.
Indice du «succès» dans la population des assurés sociaux français, le contentieux de la sécurité sociale mis en place dès la loi du 24 octobre 1946 à la suite des ordonnances fondatrices de l’institution est très tôt analysé par la doctrine[1] car il est souvent très technique mais appréhende des situations humaine souvent poignantes. On y joint souvent le contentieux des prestations agricoles (MSA) en un temps où l’agriculture est encore « dynamique »[2]. Après la réforme judiciaire du 22 décembre 1958, liée à l’instauration de la Ve République, seule la commission de première instance est maintenue et les appels sont portés devant la cour d’appel. Des contentieux dans des secteurs déterminés (armée, très présente dans notre région, en particulier la Marine à Toulon[3]) sont étudiés. Le grand spécialiste en sera l’avocat Luc Bihl[4] (1938-1997), «l’un des juristes les plus ardents de la cause des consommateur »[5]. Le contentieux de la sécurité sociale est de plus en plus[6] enseigné
La loi no 85-10 du 3 janvier 1985 donne à ces tribunaux leur intitulé de «tribunal des affaires de sécurité social » (TASS). L’article 12 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a supprimé cette juridiction le 1er janvier 2019. Le contentieux est alors traité par des tribunaux de grande instance spécialement désignés, au sein de pôles sociaux[7]. Et il est révélateur de noter que c’est l’aspect médical qui prévaut: à compter du 1er janvier 2020, les tribunaux de grande instance ont été supprimés pour s’appeler dorénavant les tribunaux judiciaires (comme il y a des tribunaux administratifs). Le «TASS» a donc pour successeur le «Pôle social du tribunal judiciaire». Ainsi, les notions de «contentieux général de la sécurité sociale» et de «contentieux technique de la sécurité sociale» sont supprimées et sont remplacées par de nouveaux critères: «contentieux médical de la sécurité sociale» et «contentieux non médical de la sécurité sociale».[8]
Insigne de membre marseillais, métal doré et émaillé, Nice, Drago, vers 1970, collection privée
Dans les commissions, deux assesseurs du président, magistrat professionnel, siégeaient, l’un représentant les travailleurs salariés, l’autre, les employeurs et travailleurs indépendants. Lors des audiences, ils arboraient cet insigne officiel (République française) surmonté de la flamme de la justice, orné de la balance judiciaire, du sigle SS (Sécurité sociale), le socle de la balance figurant peut-être le «très dense» Code de la Sécurité sociale… sur fond des traditionnelles couleurs judiciaires: le «Rouge et le Noir».
Olivier Vernier
[1] La bibliographie débute avec Claude Peignot, Traité du contentieux de la Sécurité sociale, Paris, FNOSS, 1950, 91 p. Il se poursuit, dans un esprit pratique, pour les employeurs et les salariés avec Robert Le Balle et Roger Nowina, Manuel pratique du contentieux de la sécurité sociale, Paris, Sirey, 1956, 330 p.
[2] Joseph Gentil, Le contentieux de la sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole, Landerneau, Secrétariat fédéral de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles du Finistère, 1956, 173 p.
[3] Jean-Marcel Valle, Regards sur les problèmes sociaux, Toulon, 1961, 12 p.
[4]Le Contentieux de la Sécurité sociale et de la Mutualité sociale agricole, Paris, Librairies techniques, 1971, 233 p.
[6] François Taquet, Le contentieux de la sécurité sociale, Paris, Litec, 1993, 155 p.
[7] Ce sont du reste deux magistrates en poste à Marseille qui rédigent la première monographie sur la question : Manon Illy et Sylvie Rébé, Contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, Issy-les-Moulineaux, Gazette du Palais, 2019, 170 p.
[8] On lira avec profit : Michel Pierchon, « 2016-2019 : la saga du contentieux de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide sociale », Revue de l’ ANTASS (Revue de l’Association nationale des membres des tribunaux compétents en matière d’aide sociale et se sécurité sociale), www.antass.fr
[1] Voir Olivier Faron, Les enfants du deuil : orphelins et pupilles de la nation de la première guerre mondiale (1914-1941), Paris, La Découverte, 2001, 335 p.
Plaque de reconnaissance de l’Office départemental des pupilles de la nation des Bouches-du-Rhône, métal argenté, Séraphin, 1919, collection privée.