Une incitation varoise tardive à l’épargne : Léon Sabatier (1891-1965) : Moissons au Beausset

Surnommé «  le Giono de la Peinture »[1], le Toulonnais  Léon Sabatier (1891),  né dans un milieu modeste, boursier de la ville de Toulon, part à Paris AUX Beaux-Arts où il est rebuté par l’académisme ambiant, pourtant, il exécute alors de nombreux paysages académiques méditerranéens (souvent sans présence humaine); à Montparnasse, il fréquente Derain, Modigliani, Kisling, Van Dongen… Après la Grande guerre, il rejoint Toulon de 1930 à 1945 et devient professeur aux Beaux-Arts. Après son engagement  dans la Guerre civile espagnole avec André Malraux, puis dans la Résistance, il retourne à Paris et aborde désormais une nouvelle voie artistique; en 1959, il s’installe à Tourrettes-sur-Loup  (Alpes-Maritimes) où il meurt en 1965.
«Peintre des résonnances secrètes des paysages et des âmes », « Peinture sombre, sourde avec de profonds bruns noirs, des gris doux..»

 La sensibilité sociale de l’artiste s’exprime souvent dans des portraits de personnes humbles et dans cette commande de la Caisse d’Epargne de Toulon: une scène traditionnelle de moissons, mais au premier plan la paysanne au fichu accomplit un geste symbolique : la remise d’un livret de la Caisse d’Epargne à l’enfant qui se tient près d’elle. C’est la période difficile de la reconstruction de l’économie et de la société qu’il faut évoquer.

Olivier Vernier

Léon Sabatier (1891-1965) : Moissons au Beausset, huile sur toile, c. 1946, Nice, Caisse d’Epargne.

[1] Léon Sabatier 18791-1965 « Le Giono de la Peinture », Société Historique de Tourrettes,  n°23, janvier 2020, 30 p.

Hommage à Robert MENCHERINI (1945-2025)

Notre Comité a eu la tristesse d’apprendre le décès le 20 avril 2025 d’un «historien de convictions, passeur de mémoire, homme de rigueur, de transmission et d’engagement», Robert MENCHERINI (1945-2025), professeur honoraire des universités en histoire contemporaine, agrégé d’histoire, docteur en histoire, directeur de recherche à l’Institut universitaire de formation des maîtres, directeur de recherche à l’Institut universitaire de formation des maîtres, directeur de recherche à l’Institut universitaire de formation des maîtres, Président des Amis du Musée de la Résistance en Ligne en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (MUREL), Président-Fondateur de Provence Mémoire Monde Ouvrier (PROMEMO), membre des conseils d’administration et scientifique du Mémorial des Milles.

Originaire d’Aubagne, spécialiste d’histoire politique et sociale contemporaines, il soutint sa thèse à Aix en 1984 sous la direction d’Emile Temime: L’ union départementale C.G.T. des Bouches-du Rhône de la libération à la scission (1948) , il publia, entre autres: «La Libération et les entreprises sous gestion ouvrière: Marseille, 1944-1948», 1994; sa synthèse d’histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône de 1930 à 1950: «Midi rouge, ombres et lumières» Paris, 2004, 2009, 2011, 2014, reste une référence; il dirigea «Cheminots en Provence: des voix de la mémoire aux voies de l’avenir (1830-2001)», 2011, et analysa «Les grèves “insurrectionnelles” de 1947», 2023.

Il reçut le Prix Thiers de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres d’Aix-en-Provence, et aussi, aussi le Grand prix historique de Provence, Maréchal de Villars de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Marseille. Pour son dernier ouvrage «Berty ALBRECHT – de Marseille au Mont Valérien, une féministe dans la Résistance» une mention lui a été attribuée à l’occasion du Prix Littéraire de la Résistance par le Souvenir Français au Sénat en décembre 2023.

R. Mencherini fut un des correspondants régionaux du Maîtron (Dictionnaire biographique Mouvement ouvrier et  social) et à ce titre, rédigea la notice de notre président-fondateur Charles Bonifay. Entre 1981 et 1998, il est aussi le correspondant pour les Bouches-du-Rhône de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP-CNRS).

Sensible également à l’histoire de la protection sociale dans notre région, il nous encouragea de ses conseils pertinents, avec toujours sa bienveillance, son humanisme et son sourire coutumier; il répondait toujours à nos diverses sollicitations, notre dernier numéro spécial sur «Les Italiens et leur protection sociale en France, XIXe-XXe s.)» fut vraisemblablement, une des ses dernières lectures, il lui rappelait  ses origines familiales.


Olivier Vernier

La détresse ne se rencontre pas qu’en ville

 Au sortir de la guerre, les détresses sont légion dans les villes bombardées (dans notre région: Nice, Cannes, Toulon, Marseille…); mais les campagnes sont aussi concernées : vieillissement des populations, hémorragies démographiques suite aux combats, déportations et exactions de l’ennemi. Le tissu social du monde rural est profondément déchiré, dans la mesure où l’agrarisme de Vichy reposant sur la Charte paysanne du 2 décembre 1940 a créée des bouleversements notoires en voulant dominer le monde du travail agricole. Aussi un mouvement associatif, d’essence chrétienne, se créée en 1945: les associations familiales rurales AFR avec comme objectif «de venir aide aux familles et de créer des emplois pour les jeunes filles du monde rural avec l’idée de créer une profession nouvelle et de ralentir l’exode rurale.»[1] Il faut donc apporter une aide à ces familles en intervenant à leur domicile, dans leur cadre de vie. Un service est inventé : l’aide familiale rurale.

L’objectif est double: à la fois social, en aidant les familles dans les tâches de la vie quotidienne, et économique en créant des emplois de proximité. » L’ensemble de la France rurale adopte ce modèle.

En 1976, Le mouvement devient l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural) pour concrétiser le choix de diversifier ses services (aides aux familles, aide aux personnes âgées) et en 1988, les actions sociales se développent: à la suite à la création des Services de Soins Infirmiers et d’auxiliaires de vie pour les personnes âgées et les personnes handicapées, l’ADMR développe de nouveaux services rendues nécessaires par les précarités rurales: livraison de repas, téléassistance, accueil de la petite enfance (crèches, haltes garderies, centres de loisirs, sans hébergement), petites  unités de vie pour personnes âgées ou handicapées….

Actuellement, les associations départementales réunissent 94 000 salariés et 78 000 bénévoles.

Cette médaille commémorative est remise aux bénévoles (comme ici dans le Var) et aux salariés.

Olivier Vernier

Avers de la médaille du 30e anniversaire de la fondation de l’Aide à domicile en milieu rural, bronze, 1975, collection privée.

[1] Voir : François Romatif, «Union nationale des associations d’aides familiales rurales», in Les mouvements familiaux et leur institution en France – Anthologie et sociale, 2006, pp. 258-285 et Annie Morel, «L’ADMR, un acteur incontournable du monde rural», Pour, 2009, pp.120-124.

Affiche administrative publicitaire de la promulgation du Code de la famille et de l’aide sociale

Si c’est  le  16 octobre 1958 qu’est promulgué Code de la sécurité sociale juste après l’instauration de la VeRépublique,  il connaîtra 42 révisions à compter de 1961, il ne faut pas oublier qu’à la fin de la IVe République un code réunissant aussi des dispositions de protection sociale, en ces temps encore de reconstruction économique et sociétale, avait été adopté le 24 janvier 1956, il prendra son nom actuel de Code de l’action sociale et des familles en 2000. 

Il réunit cinq thèmes de ces périodes difficiles d’après guerre  unissant action publique et actions privées: la protection sociale de la famille (des institutions familiales à la fête des mères); la protection sociale de l’enfance (des enfants secourus aux pupilles inadaptés); les différentes formes d’aide sociale (de l’aide à domicile des personnes âgées aux aides en matière de logement et d’hébergement); des établissements de bienfaisance privés; le service social (du rôle des assistants de service social à la coordination des services sociaux dans l’intérêt des personnes aidées, nationaux comme étrangers).

Pour faire connaître ce texte  (et d’autres publications) aux administrations qui devront le commander afin de se documenter de façon synthétique et aux personnes concernées sujets de droits sociaux, la Direction des Journaux officiels fait placarder ce texte dans les organismes sociaux, les hôpitaux, les établissements de soins, les mairies, les préfectures et les sous-préfectures, comme pour cet exemplaire dans les Hautes-Alpes.

Olivier Vernier

Affiche administrative publicitaire de la promulgation du Code de la famille et de l’aide sociale, Paris, Imprimerie des Journaux Officiels, 1956, collection privée

Aux urnes, assurés sociaux…: carte d’électrice de la Sécurité sociale

Au printemps 1947[1] se déroulent les premières élections des administrateurs des caisses de sécurité sociale[2], pour remplacer ceux qui avaient été simplement désignés depuis la mise en place de la Sécurité sociale en octobre 1945. Le contexte politique de l’époque, lié à la Libération, est marqué par une influence très forte du Parti Communiste et de la CGT. La composition des Conseils, que ce soit à la caisse nationale ou dans les caisses locales, se traduit par une majorité d’administrateurs représentant les salariés, et donc par une minorité de représentants des employeurs.

Des questions se posent: la première question est l’opposition entre désignation d’une part, élection d’autre part. La deuxième question est l’opposition entre le paritarisme, c’est-à-dire entre une stricte égalité d’administrateurs représentant les salariés et ceux représentant les employeurs. La troisième question est l’opposition entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Lorsque l’une et l’autre sont issues d’élections, laquelle est la plus légitime pour décider et gouverner la Sécurité sociale?

L’idée originelle en 1945 est que c’est aux assurés eux-mêmes de gérer leur Sécurité sociale. Mais une chose est de gérer, une autre est de décider les grandes règles de la Sécurité sociale. En termes de participation, ces premières élections sont un succès indéniable, puisque près de 75% des électeurs inscrits se rendent aux urnes. La CGT obtient 59,2% des suffrages, les listes CFTC 26,4%, les listes mutualistes 9,1% et les listes divers5,2 %. Malgré ce « triomphe » de la CGT, la CFTC, en s’alliant aux élus employeurs, met cette dernière en minorité dans la plupart des caisses. Pourtant, de 1945 à 1947, c’est la CGT seule qui assume la gestion de la Sécurité sociale.

Ce recours aux élections perdure jusqu’en 1967, année où elles sont supprimées et où le paritarisme est instauré dans les conseils d’administration des organismes de Sécurité sociale.

La qualité de cette octogénaire dignoise habitant dans la vieille ville est symbolique: «veuve de guerr ». Elle ne dispose de la qualité d’électrice de la Sécurité sociale depuis  moins de cinq ans et doit être fière de voter. Le bureau de vote est la Bourse du Travail de la cité.

Olivier Vernier

Carte d’électrice de la Sécurité sociale, Digne, c.1950, collection privée

[1] En application de la circulaire du 4 avril 1947, JO, 4/04/1947. Voir  Les Élections de la Sécurité sociale, Paris, Éditions sociales françaises, 1950, 8 p. ; Gérard Adam, Atlas des élections sociales en France, Paris, Colin, 1964, 239 p.

[2] Jean-François Chadelat, «Les premières élections de la Sécurité sociale», https://fresques.ina.fr/securite-sociale/fiche-media/Secuso00001/les-premieres-elections-de-la-securite-sociale.html

Les complémentaires santé: livret de sociétaire de la Caisse chirurgicale mutualiste des Basses-Alpes

 Dès la loi de 1898, avec la  «Charte de la Mutualité» sont prévues des caisses mutualistes de soins. Elles sont bien rares au début et ne peuvent être créées que dans des régions de forte industrialisation (Paris, Lyon, Est..) avec une importante population de salariés et des salaires ouvriers et employés plus conséquents pour permettre  de verser les cotisations. Avec les progrès de la médecine et en particulier des actes chirurgicaux aux effets financiers souvent importants  pour les patients, -d’autant que s’il existe parfois des médecins de la mutuelle, il y a très rarement des chirurgiens-, les cliniques mutualistes sont rares: elles naissent en 1910 et pour notre région à Marseille en 1927[1] ; elles se développent sous le Front populaire[2] en 1936 puis après la Seconde Guerre mondiale et ses tragiques conséquences pour la santé de la population. Néanmoins, les opérations chirurgicales sont soumises à une procédure administrative «rigoureuse».

C’est le cas à Digne, dans les Basses-Alpes d’alors. La Caisse chirurgicale Mutualiste d’un des départements les plus pauvres de France est créée en 1933 approuvée par arrêté ministériel. Avant de bénéficier des «avantages de la Caisse, l’adhérent (en l’occurrence) l’adhérente qui a besoin d’une opération» doit satisfaire à un stage, terme singulier pour signifier cinq années de cotisation avant toute opération de chirurgie. 

La procédure n’est ni simple ni automatique. Il doit en effet, dans les trois jours avant l’opération, remplir des obligations «drastiques»:
1°Faire connaître au chirurgien et à la clinique sa qualité de membre de la Caisse
2° Verser la somme nécessaire pour compléter les cinq années de cotisation à dater du jour de l’admission
3°Adresser à la Caisse un certificat médical s’il doit subir une intervention « dans un établissement non agréée ou hors des limites du département » (on songe à Marseille, Nice, Grenoble..)
4° Prendre en charge le supplément en cas de chambre particulière
La démocratisation viendra lors des «Trente glorieuses».

Olivier Vernier

Livret de sociétaire de la Caisse chirurgicale mutualiste des Basses-Alpes, Digne, Vial, 1950-1969, 8 p., collection privée

[1] Voir Olivier Faure, Les cliniques privées. Deux siècles de succès, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 281 p. ; Charlotte Siney-Lange, La Mutualité, grande semeuse de progrès social. Histoire des œuvres sociales mutualistes (1850-1976), Paris, La Martinière, 2018, 397 p.

[2] Pour un exemple septentrional : Daniel Gourdet, La Mutuelle de Seine-et-Marne 1936-2002: voyage au coeur de la Mutuelle au kangourou, Montigny-sur-Loing, Prem’edt, 2013, 252 p.

Plumes sociales : Marceau Jouve (Lou Jouven), (1885-1950), Parpello d’Agasso. Poèmes provençaux suivis de deux contes, Montpellier, 1955. 

Les félibres sont des auteurs poètes et prosateurs, qui dans la tradition de Frédéric Mistral et de Joseph Roumanille depuis 1854 écrivent en langue d’oc, en l’occurrence en provençal. Au XXe siècle, le mouvement littéraire s’organise[1] et des auteurs célèbres ou moins, usent de la langue méridionale pour exprimer leurs talents, leurs espoirs et leurs espérances culturelles et sociales. C’est le cas de Marceau Jouve originaire de Rognac (13). D’abord brillant militaire, décoré de la Légion d’honneur il s’installe après la Grande guerre au Mas de Bonhomme à Saint-Martin-de-Crau (13). Sa vie entière, ce notable al se consacre à la défense du monde agricole et à l’amélioration de la condition paysanne en particulier de ses membres les plus précaires économiquement. En décembre 1947, dans son poème Frejoulino (Froidure), il écrit: «.. Je pense aux pauvres gueux  qui n’ont pas de maison, qui gisent en des lieux ouverts aux quatre vents, et s’endorment gelés, sans une couverture. Je me dis que la vie est dure au malheureux,- au paria qui fut vaincu par la nature.…» Le poème  Pou (Peur) évoque les peurs contemporaines: «L’homme dont l’atelier est en chômage ou qui du labeur du demain n’a plus l’assurance, triste à son logis, est mécontent quand il le quitte, Mon homme , pourquoi cette peur? J’ai peur de l’esclavage.»

Les organisations agricoles (Syndicat de défense des foins de Crau, Fédération départementale des associations agricoles des Bouches-du-Rhône qu’il fonde et dirige) l’occupent grandement; en 1949, il devient président de la Chambre d’Agriculture du département et en 1950, auditeur des comptes à la Caisse d’épargne départementale. Fixé à Cannes en 1940, il rejoint en 1943 Plan-de-Cuques (13).

Animateur du journal de la Fédération: Les Bouches-du-Rhône agricoles, il y publie des poèmes et contes en provençal. Il collabore également au Méridional dans la chronique aixoise sus la rubrique A touto zuerto (A toute allure) et fonde à Plan-de-Cuques l’école félibréenne Lou Grihet (Le grillon). 

Pour rendre hommage à ce dirigeant, «fidèle à sa langue, comme il avait été fidèle à sa terre», la Fédération rassemble en 1955 en version bilingue un recueil de ses poèmes et de ses contes titré modestement Parpallo d’Agasso (Détails) avec des bois gravés de Louis Jou, peintre, graveur et typographe (1881 – 1968), installé aux Baux.

Dans un style élégiaque et avec des images qui allient réalités contemporaine d’une Provence en mutation économique et sociale et nostalgie du temps passé de sa jeunesse dans une Provence rhodanienne «éternelle», avec jovialité et truculence, il décrit dans ce conte humoristique «Une belle couvée» –digne des histoires normandes du siècle antérieur, sous la plume d’un Guy de Maupassant- une scène de naïveté -vraie ou feinte- de certains paysans en précarité mais peu enclins au travail…

Olivier Vernier


[1] Voir la somme de René Jouveau, Histoire du félibrige, Nîmes, Bene, 1970-1987, 514 +401 p. ; Philippe Martel, « Félibres et félibrige : 1876-1947, radioscopie d’une organisation », Cahiers de recherches  Université de Paris VIII-Vincennes, série 6, n° 1,  1984, 54 p.

ADIEU A NOTRE AMI MARCEL CHAPAPRIA (1941- 2024)

Nous avons le devoir bien triste, d’évoquer le souvenir d’un « pilier » de notre Comité, disparu des suites d’une brutale hémorragie cérébrale, le 29 avril dernier : notre fidèle et dévoué administrateur et membre du bureau Marcel Chapapria. Il nous apporta pendant de nombreuses années sous les présidences de Charles Bonifay, de Marie-Thérèse Dumas-Gosselin et de Mourad Belaïd ses compétences reconnues sur les institutions et la vie sociale de Marseille, sa gentillesse permanente, sa chaleur humaine, son humour affiné et sa sagesse proverbiale.

Marcel incarnait le parfait «honnête homme» au sens du Grand siècle et cultivait les vertus de la Respublica, ses multiples engagements administratifs, associatifs, patriotiques, altruistes l’attestaient.

Pour lui, le devoir de mémoire sous ses diverses formes, le préoccupait en permanence et c’est dans cet esprit qu’il voulut bien travailler à nos côtés à notre mission historique pour mieux faire connaître le passé et les institutions sociales de notre vaste région.

Marcel né le 13 avril 1941 à Sidi Bel Abbés, arriva à Marseille en 1962 et y fondera l’année suivante une famille. Fils de légionnaire, il sera toujours attaché à ce corps d’élite en étant notamment correspondant auprès des «képis blancs» hospitalisés à la Timone et la Conception. Il s’investit d’ailleurs particulièrement dans l’Association des anciens Combattants et amis de la Légion étrangère de Marseille qui lui rendirent à la chapelle du funérarium du cimetière Saint-Pierre l’hommage qui lui revenait de droit lors de ses obsèques le 4 mai dernier.

Entré à la CPAM comme caissier et agent payeur, il en gravit tous les échelons administratifs et au terme de 39 années d’activités professionnelles, sociales et de services militaires, il reçoit en 2002 au titre du Ministère de l’emploi et de la solidarité l‘insigne de chevalier de l’Ordre  National du Mérite et en sera promu au titre du Ministère des armées officier en 2023. Il s’était investi en effet dans le mouvement associatif régional et national des  anciens combattants et victimes de guerre des organismes sociaux dont il fut président.

Très attaché aussi aux institutions mutualistes, il fut notamment administrateur du Centre Dentaire de Marseille; cet ami à l’écoute de toutes les détresses siégea aussi comme assesseur titulaire des tribunaux pour enfants à Marseille. 

Marcel était aussi un passeur de mémoire, avec son réel talent de plume, il tint, à compter de 2013 la chronique dominicale des Bouches-du-Rhône des anciens combattants pour La Provence et pour Mémoire vives de la Résistance. Des textes ciselés « pour ne pas oublier ». Pour notre Bulletin, il offrit  trois textes rappelant ses engagements: «Témoignage: L’emploi de caissier: un métier qui a disparu», 2018; «Le Bleuet de France, symbole de la mémoire et de la solidarité pour les anciens combattants, les victimes de guerre, les veuves et les orphelins », 2021; «Les 100 ans d’existence du Centre Dentaire de Marseille (1922-2022), 2022.

Sa mémoire demeurera dans nos cœurs et nos esprits.

Pour le bureau du Comité

Olivier Vernier

La protection infantile à Marseille: médaille de la Société protectrice de l’enfance

 A la fin du XIXe siècle, la prospérité économique de Marseille –ce que l’on a appelé «Rêves et triomphes d’une ville»,  avec ses multiples  et diverses activités économiques ne bénéficie pas à toutes et à tous, la précarité demeure dans le cœur historique des vieux quartiers nord autour du port avant qu’au siècle suivant les cruels dynamitages, évacuations (20 000 habitants) et déportations de population[1] ne soient décidés les 22, 23 et 24 janvier 1943.

Aussi la mortalité infantile est si élevée[2]  (plus forte que d’un sixième que dans toute autre ville de France) que des médecins s’en émeuvent tels Sélim-Ernest Maurin, né à Paris en 1838 et diplômé de Montpellier en 1861, spécialiste de la lutte contre le choléra ; il anime le Comité médical des Bouches-du-Rhône et appelle de toute sa science la création d’une Société protectrice de l’Enfance.

La réponse positive vient des notables marseillais femmes comme hommes (dont des professionnels de santé : médecins et pharmaciens) : ils décident de fonder une association pour aider matériellement et moralement les familles, françaises comme étrangères, avec enfants. Des aides alimentaires sont prodigués, des conseils d’hygiène pour les nourrices  (car les mères doivent travailler) mais aussi, sont instaurés pour les adultes et les enfants des cours dont des méthodes de lecture, comme pour cette médaille attribuée  pour méthodes de lecture». L’avers arbore les armes de Marseille et le ruban  bleu et blanc est en référence aux armoiries de la ville.

Médaille de la Société protectrice de l’enfance, bronze argenté, c. 1880, collection privée

Les pouvoirs publics l’encouragent au point que dès 1876, elle est aidée et contrôlée[3]. En 1883, elle organise dans la capitale phocéenne une exposition et publie même un journal « Le Bébé ».

Elle subsiste jusqu’à la Grande guerre.

Olivier Vernier


[1] Cf. Michel Ficetola, La Rafle du Vieux-Port, Marseille, Massaliotte Culture, 2019, 23 p.

[2] Sélim-Ernest Maurin, Marseille au point de vue de l’hygiène et de la statistique médicale, Marseille, Roux, 1864, 192 p. ; Dr. Sélim-Ernest Maurin, «De la mortalité des enfants en bas âge à Marseille», Sté de statistique Marseille, p.252- 288.

[3] Dr. E. Maurin, Projet de règlement d’administration publique relative à la protection du premier age proposé à la société protectrice de l’enfance de Marseille, Marseille, Cayer, 1876, AD Bouches-du-Rhône, Delta, 2670 6.