Billet de santé, Arles (Bouches-du-Rhône) 1629

 Les pandémies récentes ont hélas rappelé leurs dramatiques conséquences pour les populations vulnérables. Pendant longtemps, la peste  aux  conclusions souvent funestes, a été légitimement redoutée. En 1629, une épidémie de peste se manifeste à Lyon, Saint-Etienne, Béziers, Montpellier, le Gévaudan Valréas et Arles. Elle se déclenche dans cette ville en juillet 1629 et fera 900 morts malgré les quarantaines et les mesures sanitaires prises par les autorités royales, processions démonstratives et bénédictions nombreuses dans ce Sud « très chrétien » tentent de protéger les cités et les campagnes. 

Néanmoins, la vie économique doit continuer. Les autorités municipales (consuls gouverneurs) d’Arles, cité de foires et marchés depuis le Moyen âge, en raison de la proximité du Rhône, délivrent ainsi ces billets de santé pour attester, après examen médical, de l’état non contagieux de ceux qui quittent la ville : « est party de cette ville d’Arles, en laquelle n’y a (par la grace de Dieu) aucun soupçon de peste ny mal contagieux ».

 Le billet (12,3 x 11,8 cm)  est orné du Lion des armoiries arlésiennes attesté depuis 1180. 

Olivier Vernier

Billet de santé, Arles (Bouches-du-Rhône) 1629, collection privée

Une des dernières processions publiques des pénitents de Marseille, 1931

Dans des chroniques et articles précédents ont été évoquées dans notre région méditerranéenne les confréries de pénitents, pieux laïques catholiques qui se vouent depuis le XVIe siècle à l’assistance et à l’entraide envers les plus démunis, incarnant ainsi la vertu théologale de la charité[1]. Ainsi les pénitents blancs du Saint-Esprit dans le quartier du Panier sont approuvés en 1558.

Au XIXe siècle alors qu’après leur suppression lors de l’ère révolutionnaire, les confréries marseillaises, désignées par la couleur de leur habit, sont en «sommeil» ou entrent dans la clandestinité[2], elles se reconstituent de manière complexe[3].

 Pour rentrer dans la confrérie des bourras, il fallait «être homme de bien et de bonne renommée, point cabaretier, tavernier, renieur, blasphémateur, paillard, concubinaire, contrevenant aux lois de Dieu et de l’Église» (Augustin Fabre dans Les Rues de Marseille). Une probité sûrement mise à l’épreuve par la pratique de… l’auto-flagellation!

Dans une ville où la laïcisation républicaine à partir de la Seconde République [4] et le socialisme municipal, à partir de la Troisième République[5] finissent par s’imposer[6], la place à l’action caritative des confréries de pénitents se réduit, d’autant qu’une philanthropie privée laïque se développe aussi[7].

Des regroupements s’opèrent: le 18 juillet 1892, la confrérie des Bourras (du Saint-Nom-de Jésus) surnommés ainsi en raison de l’habit en bure qu’ils portent,  fusionne avec la confrérie des pénitents noirs.  

Une des dernières processions publiques des confréries a lieu sur les pentes de Notre-Dame de la Garde lors des fêtes du couronnement de Notre-Dame de la Garde  entre les 18 et 21 juin 1931, cérémonie faste pour l’ensemble de la Provence et au delà. Les blancs portent ainsi la cagoule, symbole d’anonymat.

Olivier Vernier

Une des dernières processions publiques des pénitents de Marseille, 1931, Fernand Detaille, éd.

[1] Pour une synthèse, se reporter aux travaux éminents du membre de notre conseil scientifique : le professeur Régis Bertrand ; ainsi : Les compagnies de pénitents de Marseille : XVIe-XXe siècles, Marseille, La Thune, 1997, 158 p. Pour une première analyse des pénitents gris : Alexandre Julien, Chronique historique de l’archiconfrérie des pénitents disciplinés sous le titre du Saint Nom de Jésus (dits Bourras) de la ville de Marseille. Pour la consolation des criminels condamnés au dernier supplice et l’ensevelissement de leurs corps, le rachat des prisonniers pour dettes, …, Marseille, Vial, 1865, 417 p.

[2] R. Bertrand, « “Sommeil” ou “clandestinité” ? Les pénitents de Marseille entre Louis XVI et Louis XVIII », Provence historique, t. 39, fascicule 156, avril-juin 1989, pp. 185 à 195.

[3] Ainsi, Lucien Fontanier, Confrérie des pénitents noirs de la Décollation de Saint-Jean-Baptiste : Recherches historiques sur les Confréries de Pénitents de Marseille, Aix, Niel, 1923, 91 p.

[4] Analysé par Norbert Rouland, Le Conseil municipal marseillais et sa politique de la IIe à la IIIe République: 1848-1875, Aix-en-Provence, La Calade, 1974, 408 p.

[5] Cf. Patrizia Dogliani, Le socialisme municipal: en France et en Europe, de la Commune à la Grande guerre, Nancy, Arbre bleu, 2018, 352 p.

[6] On le voit : Dr Mazade, Département des Bouches-du-Rhône. Assistance publique. 1° assistance infantile ; 2° protection du premier âge ; 3° assistance médicale gratuite ; 4° pensions de retraite pour les vieillards indigents : 5° oeuvre des crèches, Marseille, Impr. Méridionale, 1898, 278 p.

[7] Emile Camau, Les Progrès de la solidarité. L’Assistance publique et privée dans les Bouches-du-Rhône (1801-1911), Marseille, Barlatier, 1922, 111 p.

Plumes « sociales » : Jean Dufourt, Calixte ou l’introduction à la vie lyonnaise

 Fils de soyeux lyonnais, Jean Dufourt[1]  (1887-1953) connaît bien ce milieu, ses riches heures et ses malheurs, juriste de formation et romancier, il offre une satire sociale chargée d’ironie avec son premier roman couronné de succès: Calixte ou l’introduction à la vie lyonnaise. C’est l’histoire de l’arrivée à Lyon d’un Parisien, Philippe, venue travailler dans le milieu fermé des soyeux et qui cherche à s’intégrer au sein de la bonne bourgeoisie régentant la ville et ses rouages, et demande à son ami  et camarade de la Grande guerre, Calixte de le guider. Il démentait la citation de la romancière Colette dans la Vagabonde  (1910): «Cinq jours à Lyon sont interminables.» Certains Lyonnais s’y reconnurent en tout cas pendant près de quatre-vingts ans dans leurs caricatures, ancrés dans leurs quartiers comme autant de bastions: l’aristocratique Aînay contre les populaires Brotteaux, … dans une sourde rivalité sociologique. 

Certes, nous ne sommes pas dans notre région d’études méridionales mais bien encore dans le Sud-Est…

La bienfaisance lyonnaise[2], à la fois discrète et démonstrative, moralisatrice[3] mais aussi paradoxale comme bien d’autres villes de l’entre-deux-guerres apparaît dans les lignes ironiques de cet ouvrage réédité de nombreuses fois.

  Lors d’une conversation, un journaliste lyonnais cynique dit au héros parisien: «Tel d’entre nous dont les charités sont manifestes, publiques, éclatantes, ne donne à ses employés que des appointements de misère, et sa femme quêteuse obstinée pour les pauvres, dispute avec ses domestiques sur une augmentation de gages de dix francs..»[4]

Des stratégies subtiles sont alors conseillées par Calixte afin de prodiguer son attachement à la cité élue: « Intéressez-vous, me dit-il, à nos œuvres charitables. Ce sera une excellente façon de vous faire connaître avantageusement. Dès lors, je me donnai la joie de voir, sur les journaux, mon nom suivi ou précédé de celui de mon ami dans la plupart des souscriptions publiques. A vrai dire, je me serais bien contenté  de n’y faire figurer que mes initiales, mais Calixte m’avait énergiquement dissuadé de pratiquer la charité anonyme qui n’est pas édifiante. J’avais copris du reste à ses propos  que, lorsque l’on avait l’honneur d’être introduit dans une certaine société, on se devait d’adopter en tout et partout une conduite exemplaire. Dirai-je quelle contrainte ce fut pour moi qui y avais été si peu préparé?»[5]

Les contraintes professionnelles l’éloignent de certaines étapes: « Les affaires hélas ! ne me permettaient pas de la (Marie-Antoinette, la jeune fille dont il est épris) suivre aux sermons de charité auxquels elle assistait avec le même empressement, car elle était très charitable et très pieuse.»[6]

Il n’empêche que cette propension à la charité de la jeune lyonnaise est tout de même à la fois, maîtrisée et surprenante, qu’on en jug : «Nous revenions…d’une conférence dominicale. A l’entrée du pont Tilsitt, Marie-Antoinette s’arrêta en face d’une mendiante aveugle qui, assise sur un pliant bas, offrait d’une main des lacets et, de l’autre agitait une sonnette. « Combien vos lacets, ma bonne femme? demanda la jeune fille.- Douze sous la paire, douze sous seulement, répondit la pauvresse.- Mais si je vous en prenais deux, reprit Marie-Antoinette, ne me laisseriez-vous pas à vingt-deux sous » L’aveugle étouffa un sourire: «Comme vous voudrez ma bonne dame. C’est une charité!» Et je vis ma bien-aimée prendre les deux paires de lacets et compter  vingt-deux sous  dans la main tendue de la mendiante. «Papa m’a dit de toujours marchander», nous déclara-t-elle alors d’un petit air triomphant. Calixte souriait, mais je me sentais un peu gêné. Une nouvelle surprise m’attendait à l’autre bout du pont. Là, un malheureux  cul-de-jatte implorait l’aumône avec des lamentations que Calixte  lui même n’aurait jamais osées. Alors je vis ma bien-aimée  ouvrir de nouveau son sac à main et en retirer une petite pièce dorée qu’elle déposa, sans s’arrêter et le plus simplement du monde, dans la casquette de l’infirme. Le croira-t-on? Ce double geste de Marie-Antoinette m’en apprit davantage sur l’âme lyonnaise que toutes les observations  que j’avais recueillies si patiemment depuis seize mois[7]

Pour conforter son insertion dans la bourgeoisie entre Saône et Rhône , le héros va s’installer dans l’appartement d’une dame d’œuvres, parente de la jeune fille qu’il convoite: Mme Greillon-Delamotte, parangon de vertus caritatives  récemment décédée: Sa charité lui permet de s’intégrer d’avantage.  «Enfin, je pris possession du cher appartement. De douces joies m’y attendaient. A peine étais-je  installé qu’une volée de dames quêteuses et des soeurs de charité s’abattit  sur mon cordon de sonnettes. Ah! combien Mme Greillon-Delamotte était digne de la vénération publique! Femmes repenties, Femmes en couches, Enfants tuberculeux, Orphelins, Incurables, Sourds-Muets, Vieillards indigents, etc; pas une misère, pas une infortune, pas une déchéance que cette femme éminente ne secourût. On venait me prier  de continuer ses libéralités. «Oui, madame oui, ma sœur, répondais-je en proie à une sorte d’ivresse intérieure. Rien ne sera changé, n’en doutez-pas. Les aumônes que vous receviez de mains pieuses de Mme Greillon-Delamotte vous seront remises en mémoire d’elle.» A la fin de la semaine, je me trouvai zélateur satisfait et reconnaissant d’une douzaine d’œuvres[8]

Olivier Vernier

Jean Dufourt, Calixte ou l’introduction à la vie lyonnaise, Lyon, 1926.

[1] Charles Albert, « Trois romans sur Lyon et les Lyonnais », Études, 20 mai 1929.

[2] Pour un exemple : Paul Gonnet, L’adoption lyonnaise des orphelins légitimes (1536-1793), thèse, droit, Paris, Pichon et Durand-Auzias, 1935, 688 + 251 p.

[3] Pour deux exemples : Paul Gonnet, L’adoption lyonnaise des orphelins légitimes (1536-1793), thèse, droit, Paris, Pichon et Durand-Auzias, 1935, 688 + 251 p. ; Bernadette Angleraud, Lyon et ses pauvres : des œuvres de charité aux assurances sociales, 1800-1939, Paris, L’Harmattan, 2011, 340 p.

[4]  Calixte ou l’introduction à la vie lyonnaise, Paris, Paris, Plon,  p. 61.

[5] p.122.

[6] p.123.

[7] p.138.

[8] p.149.

Une incitation varoise tardive à l’épargne : Léon Sabatier (1891-1965) : Moissons au Beausset

Surnommé «  le Giono de la Peinture »[1], le Toulonnais  Léon Sabatier (1891),  né dans un milieu modeste, boursier de la ville de Toulon, part à Paris AUX Beaux-Arts où il est rebuté par l’académisme ambiant, pourtant, il exécute alors de nombreux paysages académiques méditerranéens (souvent sans présence humaine); à Montparnasse, il fréquente Derain, Modigliani, Kisling, Van Dongen… Après la Grande guerre, il rejoint Toulon de 1930 à 1945 et devient professeur aux Beaux-Arts. Après son engagement  dans la Guerre civile espagnole avec André Malraux, puis dans la Résistance, il retourne à Paris et aborde désormais une nouvelle voie artistique; en 1959, il s’installe à Tourrettes-sur-Loup  (Alpes-Maritimes) où il meurt en 1965.
«Peintre des résonnances secrètes des paysages et des âmes », « Peinture sombre, sourde avec de profonds bruns noirs, des gris doux..»

 La sensibilité sociale de l’artiste s’exprime souvent dans des portraits de personnes humbles et dans cette commande de la Caisse d’Epargne de Toulon: une scène traditionnelle de moissons, mais au premier plan la paysanne au fichu accomplit un geste symbolique : la remise d’un livret de la Caisse d’Epargne à l’enfant qui se tient près d’elle. C’est la période difficile de la reconstruction de l’économie et de la société qu’il faut évoquer.

Olivier Vernier

Léon Sabatier (1891-1965) : Moissons au Beausset, huile sur toile, c. 1946, Nice, Caisse d’Epargne.

[1] Léon Sabatier 18791-1965 « Le Giono de la Peinture », Société Historique de Tourrettes,  n°23, janvier 2020, 30 p.

Hommage à Robert MENCHERINI (1945-2025)

Notre Comité a eu la tristesse d’apprendre le décès le 20 avril 2025 d’un «historien de convictions, passeur de mémoire, homme de rigueur, de transmission et d’engagement», Robert MENCHERINI (1945-2025), professeur honoraire des universités en histoire contemporaine, agrégé d’histoire, docteur en histoire, directeur de recherche à l’Institut universitaire de formation des maîtres, directeur de recherche à l’Institut universitaire de formation des maîtres, directeur de recherche à l’Institut universitaire de formation des maîtres, Président des Amis du Musée de la Résistance en Ligne en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (MUREL), Président-Fondateur de Provence Mémoire Monde Ouvrier (PROMEMO), membre des conseils d’administration et scientifique du Mémorial des Milles.

Originaire d’Aubagne, spécialiste d’histoire politique et sociale contemporaines, il soutint sa thèse à Aix en 1984 sous la direction d’Emile Temime: L’ union départementale C.G.T. des Bouches-du Rhône de la libération à la scission (1948) , il publia, entre autres: «La Libération et les entreprises sous gestion ouvrière: Marseille, 1944-1948», 1994; sa synthèse d’histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône de 1930 à 1950: «Midi rouge, ombres et lumières» Paris, 2004, 2009, 2011, 2014, reste une référence; il dirigea «Cheminots en Provence: des voix de la mémoire aux voies de l’avenir (1830-2001)», 2011, et analysa «Les grèves “insurrectionnelles” de 1947», 2023.

Il reçut le Prix Thiers de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres d’Aix-en-Provence, et aussi, aussi le Grand prix historique de Provence, Maréchal de Villars de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Marseille. Pour son dernier ouvrage «Berty ALBRECHT – de Marseille au Mont Valérien, une féministe dans la Résistance» une mention lui a été attribuée à l’occasion du Prix Littéraire de la Résistance par le Souvenir Français au Sénat en décembre 2023.

R. Mencherini fut un des correspondants régionaux du Maîtron (Dictionnaire biographique Mouvement ouvrier et  social) et à ce titre, rédigea la notice de notre président-fondateur Charles Bonifay. Entre 1981 et 1998, il est aussi le correspondant pour les Bouches-du-Rhône de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP-CNRS).

Sensible également à l’histoire de la protection sociale dans notre région, il nous encouragea de ses conseils pertinents, avec toujours sa bienveillance, son humanisme et son sourire coutumier; il répondait toujours à nos diverses sollicitations, notre dernier numéro spécial sur «Les Italiens et leur protection sociale en France, XIXe-XXe s.)» fut vraisemblablement, une des ses dernières lectures, il lui rappelait  ses origines familiales.


Olivier Vernier

La détresse ne se rencontre pas qu’en ville

 Au sortir de la guerre, les détresses sont légion dans les villes bombardées (dans notre région: Nice, Cannes, Toulon, Marseille…); mais les campagnes sont aussi concernées : vieillissement des populations, hémorragies démographiques suite aux combats, déportations et exactions de l’ennemi. Le tissu social du monde rural est profondément déchiré, dans la mesure où l’agrarisme de Vichy reposant sur la Charte paysanne du 2 décembre 1940 a créée des bouleversements notoires en voulant dominer le monde du travail agricole. Aussi un mouvement associatif, d’essence chrétienne, se créée en 1945: les associations familiales rurales AFR avec comme objectif «de venir aide aux familles et de créer des emplois pour les jeunes filles du monde rural avec l’idée de créer une profession nouvelle et de ralentir l’exode rurale.»[1] Il faut donc apporter une aide à ces familles en intervenant à leur domicile, dans leur cadre de vie. Un service est inventé : l’aide familiale rurale.

L’objectif est double: à la fois social, en aidant les familles dans les tâches de la vie quotidienne, et économique en créant des emplois de proximité. » L’ensemble de la France rurale adopte ce modèle.

En 1976, Le mouvement devient l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural) pour concrétiser le choix de diversifier ses services (aides aux familles, aide aux personnes âgées) et en 1988, les actions sociales se développent: à la suite à la création des Services de Soins Infirmiers et d’auxiliaires de vie pour les personnes âgées et les personnes handicapées, l’ADMR développe de nouveaux services rendues nécessaires par les précarités rurales: livraison de repas, téléassistance, accueil de la petite enfance (crèches, haltes garderies, centres de loisirs, sans hébergement), petites  unités de vie pour personnes âgées ou handicapées….

Actuellement, les associations départementales réunissent 94 000 salariés et 78 000 bénévoles.

Cette médaille commémorative est remise aux bénévoles (comme ici dans le Var) et aux salariés.

Olivier Vernier

Avers de la médaille du 30e anniversaire de la fondation de l’Aide à domicile en milieu rural, bronze, 1975, collection privée.

[1] Voir : François Romatif, «Union nationale des associations d’aides familiales rurales», in Les mouvements familiaux et leur institution en France – Anthologie et sociale, 2006, pp. 258-285 et Annie Morel, «L’ADMR, un acteur incontournable du monde rural», Pour, 2009, pp.120-124.

Affiche administrative publicitaire de la promulgation du Code de la famille et de l’aide sociale

Si c’est  le  16 octobre 1958 qu’est promulgué Code de la sécurité sociale juste après l’instauration de la VeRépublique,  il connaîtra 42 révisions à compter de 1961, il ne faut pas oublier qu’à la fin de la IVe République un code réunissant aussi des dispositions de protection sociale, en ces temps encore de reconstruction économique et sociétale, avait été adopté le 24 janvier 1956, il prendra son nom actuel de Code de l’action sociale et des familles en 2000. 

Il réunit cinq thèmes de ces périodes difficiles d’après guerre  unissant action publique et actions privées: la protection sociale de la famille (des institutions familiales à la fête des mères); la protection sociale de l’enfance (des enfants secourus aux pupilles inadaptés); les différentes formes d’aide sociale (de l’aide à domicile des personnes âgées aux aides en matière de logement et d’hébergement); des établissements de bienfaisance privés; le service social (du rôle des assistants de service social à la coordination des services sociaux dans l’intérêt des personnes aidées, nationaux comme étrangers).

Pour faire connaître ce texte  (et d’autres publications) aux administrations qui devront le commander afin de se documenter de façon synthétique et aux personnes concernées sujets de droits sociaux, la Direction des Journaux officiels fait placarder ce texte dans les organismes sociaux, les hôpitaux, les établissements de soins, les mairies, les préfectures et les sous-préfectures, comme pour cet exemplaire dans les Hautes-Alpes.

Olivier Vernier

Affiche administrative publicitaire de la promulgation du Code de la famille et de l’aide sociale, Paris, Imprimerie des Journaux Officiels, 1956, collection privée

Aux urnes, assurés sociaux…: carte d’électrice de la Sécurité sociale

Au printemps 1947[1] se déroulent les premières élections des administrateurs des caisses de sécurité sociale[2], pour remplacer ceux qui avaient été simplement désignés depuis la mise en place de la Sécurité sociale en octobre 1945. Le contexte politique de l’époque, lié à la Libération, est marqué par une influence très forte du Parti Communiste et de la CGT. La composition des Conseils, que ce soit à la caisse nationale ou dans les caisses locales, se traduit par une majorité d’administrateurs représentant les salariés, et donc par une minorité de représentants des employeurs.

Des questions se posent: la première question est l’opposition entre désignation d’une part, élection d’autre part. La deuxième question est l’opposition entre le paritarisme, c’est-à-dire entre une stricte égalité d’administrateurs représentant les salariés et ceux représentant les employeurs. La troisième question est l’opposition entre la démocratie sociale et la démocratie politique. Lorsque l’une et l’autre sont issues d’élections, laquelle est la plus légitime pour décider et gouverner la Sécurité sociale?

L’idée originelle en 1945 est que c’est aux assurés eux-mêmes de gérer leur Sécurité sociale. Mais une chose est de gérer, une autre est de décider les grandes règles de la Sécurité sociale. En termes de participation, ces premières élections sont un succès indéniable, puisque près de 75% des électeurs inscrits se rendent aux urnes. La CGT obtient 59,2% des suffrages, les listes CFTC 26,4%, les listes mutualistes 9,1% et les listes divers5,2 %. Malgré ce « triomphe » de la CGT, la CFTC, en s’alliant aux élus employeurs, met cette dernière en minorité dans la plupart des caisses. Pourtant, de 1945 à 1947, c’est la CGT seule qui assume la gestion de la Sécurité sociale.

Ce recours aux élections perdure jusqu’en 1967, année où elles sont supprimées et où le paritarisme est instauré dans les conseils d’administration des organismes de Sécurité sociale.

La qualité de cette octogénaire dignoise habitant dans la vieille ville est symbolique: «veuve de guerr ». Elle ne dispose de la qualité d’électrice de la Sécurité sociale depuis  moins de cinq ans et doit être fière de voter. Le bureau de vote est la Bourse du Travail de la cité.

Olivier Vernier

Carte d’électrice de la Sécurité sociale, Digne, c.1950, collection privée

[1] En application de la circulaire du 4 avril 1947, JO, 4/04/1947. Voir  Les Élections de la Sécurité sociale, Paris, Éditions sociales françaises, 1950, 8 p. ; Gérard Adam, Atlas des élections sociales en France, Paris, Colin, 1964, 239 p.

[2] Jean-François Chadelat, «Les premières élections de la Sécurité sociale», https://fresques.ina.fr/securite-sociale/fiche-media/Secuso00001/les-premieres-elections-de-la-securite-sociale.html

Les complémentaires santé: livret de sociétaire de la Caisse chirurgicale mutualiste des Basses-Alpes

 Dès la loi de 1898, avec la  «Charte de la Mutualité» sont prévues des caisses mutualistes de soins. Elles sont bien rares au début et ne peuvent être créées que dans des régions de forte industrialisation (Paris, Lyon, Est..) avec une importante population de salariés et des salaires ouvriers et employés plus conséquents pour permettre  de verser les cotisations. Avec les progrès de la médecine et en particulier des actes chirurgicaux aux effets financiers souvent importants  pour les patients, -d’autant que s’il existe parfois des médecins de la mutuelle, il y a très rarement des chirurgiens-, les cliniques mutualistes sont rares: elles naissent en 1910 et pour notre région à Marseille en 1927[1] ; elles se développent sous le Front populaire[2] en 1936 puis après la Seconde Guerre mondiale et ses tragiques conséquences pour la santé de la population. Néanmoins, les opérations chirurgicales sont soumises à une procédure administrative «rigoureuse».

C’est le cas à Digne, dans les Basses-Alpes d’alors. La Caisse chirurgicale Mutualiste d’un des départements les plus pauvres de France est créée en 1933 approuvée par arrêté ministériel. Avant de bénéficier des «avantages de la Caisse, l’adhérent (en l’occurrence) l’adhérente qui a besoin d’une opération» doit satisfaire à un stage, terme singulier pour signifier cinq années de cotisation avant toute opération de chirurgie. 

La procédure n’est ni simple ni automatique. Il doit en effet, dans les trois jours avant l’opération, remplir des obligations «drastiques»:
1°Faire connaître au chirurgien et à la clinique sa qualité de membre de la Caisse
2° Verser la somme nécessaire pour compléter les cinq années de cotisation à dater du jour de l’admission
3°Adresser à la Caisse un certificat médical s’il doit subir une intervention « dans un établissement non agréée ou hors des limites du département » (on songe à Marseille, Nice, Grenoble..)
4° Prendre en charge le supplément en cas de chambre particulière
La démocratisation viendra lors des «Trente glorieuses».

Olivier Vernier

Livret de sociétaire de la Caisse chirurgicale mutualiste des Basses-Alpes, Digne, Vial, 1950-1969, 8 p., collection privée

[1] Voir Olivier Faure, Les cliniques privées. Deux siècles de succès, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 281 p. ; Charlotte Siney-Lange, La Mutualité, grande semeuse de progrès social. Histoire des œuvres sociales mutualistes (1850-1976), Paris, La Martinière, 2018, 397 p.

[2] Pour un exemple septentrional : Daniel Gourdet, La Mutuelle de Seine-et-Marne 1936-2002: voyage au coeur de la Mutuelle au kangourou, Montigny-sur-Loing, Prem’edt, 2013, 252 p.