Quand les accidentés hauts-alpins du travail défilaient sous les drapeaux:
drapeau de la Fédération nationale des mutilés du travail, Assurés sociaux, Invalides civils des Hautes-Alpes

La prise en charge des accidents du travail en France est une longue lutte pour reconnaître les préjudices des salariés victimes de préjudices physiques sur leur lieu d’accomplissement  de leur taches. La première réforme française, inspirée notamment des législations belges, allemandes se concrétise par la loi du 9 avril 1898[1], prélude à la médecine du travail. Elle a été modifiée par la loi n°2001-624 du 17 juillet 2001 en son article 1: L’accident de travail est défini par l’ article L.411-1 du Code de la sécurité sociale comme «un accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.»

Nos terres méditerranéennes à l’activité industrielle éparse[2] sont à l’origine du premier regroupement des victimes: en 1919, est fondé à Marseille le «Comité central de défense et d’intérêts des mutilés du travail» pour lutter contre la dévalorisation des rentes, conséquence de la Grande Guerre. Le 10 décembre 1920, toujours dans la capitale phocéenne sont déposés en préfecture les statuts associatifs de la Fédération nationale des Mutilés du Travail.

En 1921, le 16 octobre, est  créée  à Saint-Etienne (Loire) dans un dispensaire de la Bourse du Travail la Fédération nationale des mutilés du travail, elle s’adressait initialement aux “mutilés du travail” privés, au début du XXe siècle, de toute reconnaissance et de tout droit, contrairement aux mutilés de guerre reconnus après l’hécatombe de la Guerre. Issue du regroupement d’associations syndicales et de caisses mutuelles de secours[3], elle restera toujours très attachée à sa valeur fondatrice: la solidarité. Symbole de la solidarité, l’allégorie de l’aveugle et du paralytique devient en 1927 l’insigne officiel de la Fédération. En 1931 au Congrès d’Avignon, la Fédération affirme sa volonté d’indépendance des syndicats et des partis et de neutralité.

Elle connaît un essor considérable due à son efficacité revendicative, auprès des pouvoirs publics, et juridique en se dotant de conseillers juridiques formés par ses soins pour accompagner et défendre ses adhérents, dans ses groupements départementaux. Elle regroupe huit organisations locales et instaure un secrétariat juridique en 1924, elle contribue à l’émergence d’une jurisprudence spécifique et lutte pour la première majoration des réparations versées aux victimes d’accidents du travail (1922) et pour l’adoption en 1949 de la première loi en faveur des invalides civils.

Pour se faire connaître et montrer sa cohésion et son importance, elle défile dans les cérémonies publiques (remise de décorations, et jours fériés: 14 juillet et 11 novembre) sous son drapeau tricolore, tel celui des Hautes-Alpes utilisé encore dans les années 1960.

 Son appellation a évolué: Fédération nationale des mutilés et invalides du travail (1928), Fédération nationale des mutilés du travail, assurés sociaux, invalides civils et leurs ayants droit (1949), Fédération nationale des accidents du travail et des handicapés (1985) concrétisant ainsi son ouverture à toutes les catégories d’accidentés et de handicapés et Association des accidentés de la vie (2003). La FNATH est présente dans toute la France: plus de 1000 sections sont réparties dans une soixantaine de structures départementales ou interdépartementales ayant pour objet «l’amélioration du sort de toutes les victimes d’accidents ou ayants droit et invalides du travail.»

Olivier Vernier

Drapeau de la Fédération nationale des mutilés du travail, Assurés sociaux, Invalides civils des Hautes-Alpes
c. 1960, satin brodé, bois et cuivre, collection privée.

[1] Le Centre de recherche en histoire économique et sociale de l’Université de Nantes fut le premier sous la direction du Pr. Philippe-Jean Hesse à analyser entre 1977 et 1987 les linéaments et les application de cette législation novatrice mais avec des limites vécues par les victimes: cf; François Ewald, Histoire de l’Etat providence: les origines de la solidarité, Paris, Grasset, 1996, 317 p; Caroline Moriceau, Les douleurs de l’industrie: l’hygiénisme industriel en France, 1860-1914, Paris, EHESS, 2009, 316 p.; Nathalie Crochepeyre, Bruno Dubois et Farid Lekéal (dir), «La réparation des accidents du travail : pratiques et acteurs: XIXe –XXe siècles, France-Belgique», Revue du Nord, 2016, 180 p.;Isabelle Cavé, Les accidents professionnels : enjeux sociaux et médicaux de la loi du 10 avril 1898: les préludes à la médecine du travail, Paris, L’Harmattan, 2019, 268 p. 

[2] Voir Kevin Machado, Les politiques sociales des entreprises: l’exemple du Sud-Est de la France sous la Troisième République et le régime de Vichy (1870-1944), thèse, Droit, Université Côte d’Azur, 2020, 675 f.

[3] Cf. Damien de Blic, «De la Fédération des mutilés du travail à la Fédération nationale des accidentés et des handicapés. Une longue mobilisation pour «une juste et légitime réparation»  des accidents du travail et des maladies professionnelles», Revue française des affaires sociales, 2008/2-3, p. 119-140.

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