Quand la terre tremble en Provence orientale : Théoule-sur-Mer (A.M.) le 23 février 1887

Si l’on connaît bien le principal tremblement de terre  qui éprouva la Provence rhodanienne au début du siècle dernier (le 11 juin 1909)[1] dont l’épicentre fut Lambesc dans les Bouches-du-Rhône, on se souvient moins d’un épisode antérieur qui affecta le pays niçois et la Ligurie proche[2] le 23 février 1887  et offre une double originalité: au plan local, pour des raisons économiques dictées par le tourisme alors que le terme même de Côte d’Azur est forgé, la catastrophe est, si ce n’est niée, tout au moins vite estompée alors qu’au plan national, pour des raisons politiques de réaffirmation du pouvoir d’une République face aux «derniers feux» d’un séparatisme du Comté de Nice, le séisme est presque amplifié et sa connaissance largement diffusée en France et en Europe. Si les pertes humaines furent limitées (8 victimes), les dégâts matériels furent considérable (89 communes concernées, 15 343 sinistrés et près de 7 millions de frs de dégâts). Une  solidarité privée et publique s’exprime alors : souscriptions, manifestations de bienfaisance, dégrèvements fiscaux et votes de subventions. 

 L’arrondissement de Grasse n’est presque pas touché mais le séisme trouve son écho dans une originale source privée conservée à Théoule-sur-Mer En effet une famille d’hivernants lyonnais aisés réalise en 1889 un «album souvenir» La chanson de la Galère, richement illustré par un jeune architecte lyonnais (Marc Desplagnes, 1863-1931). Ils rappellent l’épisode de manière presque caricaturale -voir style bande dessinée- avec un paysage et une mer déchaînée presque bretons (qu’ils qualifient d’océan..) et la population tirée de son lit voit s’abattre le bâtiment et même des vases de nuit se répandre sur des habitants réfugiés sur la grève. Le rédacteur écrit[3]: «Cette journée appartient à l’histoire»  6 heures, secousse terrifiante de tremblement de terre. Une minute.. un siècle… stupeur générale! Heureusement la maison reste encore debout, on s’en félicite. 6 heures 15, seconde secousse très courte, tout le monde est sur pied. Enfin, on se rassure, 8 heures et demie, troisième secousse assez faible. 10 heures, retour de Marc du Carnaval de Nice: Nice lézardée, Menton démolie.» 

Olivier Vernier


[1] Jean-Claude Rey, La grande peur de la Provence : le tremblement de terre du 11 juin 1909, Marseille, Autres Temps, 1992, 40 p.

[2] Olivier Vernier, « Le tremblement de terre du 23 février 1887, de l’entraide locale à la solidarité nationale », Nice Historique, 1987, p. 3-11.

[3] Association Villa Saint Camille, Villa Saint Camille… vivre ensemble, Vallauris, O2C, 2002, p .111.

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