Quand la charité confine à « l’abnégation » : un exemple bas-alpin en 1815 : le « don » de Mgr Myriel à Jean Valjean

Mgr  Charles-François Bienvenu Myriel (1739-1821) est un personnage de fiction des Misérables de Victor Hugo. Le prélat  héberge le forçat Jean Valjean à la fin de l’année 1815, peu après sa sortie du bagne de Toulon. Lorsque Valjean le dépouille de son importante argenterie puis est repris par les gendarmes, le prélat prétend qu’il s’agissait d’un don manuel et lui  redonne des candélabres, ce faisant, sauvegarde la liberté nouvellement retrouvée de l’ancien forçat. Ce geste de miséricorde conduit à sa rédemption qui se poursuit dans le reste de l’œuvre. À l’annonce de la mort de l’évêque, Jean Valjean, devenu notable sous le nom de Monsieur Madeleine, prendra le deuil[1].

Victor Hugo s’inspire pour ces lignes de la personnalité d’un véritable évêque de Digne (1805-1838), Mgr François Melchior Charles Bienvenu de Miollis (1753-1843), d’une vieille famille de la noblesse provençale, qui avait hébergé en 1806 un forçat libéré. Cette « ressemblance historique » et cette « transposition littéraire »[2] incarnent en ce début du XIXe siècle la charité chrétienne, vertu théologale envers les malheureux.

 Une plaque commémorative dans un modeste immeuble de la vieille ville rappelle la personnalité du prélat dignois et sa transposition littéraire ; il est inhumé non loin dans la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg.

Olivier Vernier


[1] Jean Cousin, « Mgr Myriel dans « Les Misérables », Revue d’histoire littéraire de la France, 1926, p. 420-426.

[2] Régis Bertrand, « De Mgr Myriel à Mgr de Miollis : « ressemblance » romanesque, transposition « littéraire » ?, Provence historique, fac. 211, 2003.


Plaque commémorative de la modeste maison du « modèle » Mgr François Melchior Charles Bienvenu de Miollis (1753-1843), dans le vieux Digne. Cliché ©Szeder Laszlo

Quand la charité confine à la provocation: gravure à l’eau forte de Louis Jou

Au tournant du XXe siècle, à La Belle Époque (mais pas pour tous), de même qu’il y a une littérature «sociale» qui dénonce la précarité d’une partie de la population de cette France industrialisée (Victor Hugo, Léon Bloy, Valère Bernard, Henri Barbusse…), il existe à côté de la peinture sociale et réaliste[1] qui prend comme modèle des éprouvés (mendiants, vagabonds) voire réprouvés, car il existe encore aux yeux d’une partie de la population des «bons pauvres» aux côtés «des mauvais pauvres»[2] des dénonciations plus vigoureuses dûs à des artistes souvent caricaturistes. 

C’est le cas d’un artiste d’origine espagnole Luis Felipe-Vicente Jou y Senabre connu sous le nom de Louis Jou (1881-1968) né à Barcelone venu en France en 1906. Il survit assez misérablement grâce aux dessins qu’il vend aux principaux journaux illustrés satyriques : l’Assiette au Beurre, au Rire, à Panurge. Il sera imprimeur et créateur à Paris et acquière une maison aux Baux de Provence en 1921. «Il y grave, y restaure l’Hôtel Jean de Brion, en ruines et fait des travaux dans le bâtiment qu’il destine à son nouvel atelier; son disciple et ami, Pierre Seghers, lui apportera ses presses et ses caractères en 1944.»[3]

            Cette planche de 19,5cm x 15cm est révélatrice de l’oeil acéré et réaliste de l’artiste sur cette charité « minimaliste » d’une « digne duègne » bien peu avenante donnant parcimonieusement une aumône non pas en numéraire mais matérielle (un «bonbon» ?) à ces estropiés et éprouvés…

Olivier Vernier


[1] Christiane Noireau (dir.), Petites gens, grande misère, Paris, Somogy, 2004, 127 p.

[2] Antony Kitts, « Bons » ou « mauvais » pauvres ? Du mendiant vagabond au pauvre secouru en Normandie orientale au XIXe siècle (1786-1914), thèse, Histoire, Rouen, 2016, 874 f., sous presse.

[3] Études sorguaises.


Louis Jou, La charité in Sept péchés, sept vertus, 1914, collection privée

La protection de l’enfance à Marseille à la fin du XIXe siècle : médaille de La Société protectrice de l’enfance

A la fin du XVIIe siècle est fondée à Paris La Société de charité maternelle placée sous la protection de la reine Marie-Antoinette et animée par des aristocrates pour venir en aide aux nourrissons et enfants en bas âge, pour éviter les abandons d’enfants, notamment dans les tours, dispositif architectural pour déposer un enfant à l’abri d‘une porte d’un établissement  laïc ou religieux. 

Au XIXe siècle la Société sera, jusque sous le président Mac Mahon, sous la protection de l’épouse du chef de l’Etat, mais les besoins se font de plus en plus pressants alors qu’une législation protectrice n’est pas encore adoptée; aussi en province des sociétés de protection de l’enfance sont fondées. C’est le cas à Marseille avec La Société protectrice de l’enfance[1] une oeuvre charitable fondée par des notables en 1873 et reconnue d’utilité publique par décret en mai 1875. Elle se donne pour mission «de diminuer la mortalité des enfants et d’améliorer leurs conditions d’existence par tous les moyens en son pouvoir, grâce aux cotisations, aux profits des événements organisés par elle, des subventions publiques, des dons et legs.»

Pour remercier les administrateurs, souvent bienfaiteurs mais aussi les authentifier lors des quêtes sur la voie publique, une médaille portable pouvait leur être décernée avec à l’avers les armoiries de la ville et au revers la qualité de la personne, le ruban évoquant les couleurs de la cité phocéenne. C’est au profit notamment de l’importante colonie italienne[2] que s’exerce cette philanthropie –alors que par ailleurs la xénophobie s’empare de la région-, ainsi, avec cette «Petite italienne», bien mise, mais au regard intimidé, qui par temps de neige, le brasero à la main, va depuis son quartier populaire du Panier, peut-être solliciter les aides alimentaires et pécuniaires dans les riches quartiers du centre et les ramener à sa famille. 

Olivier Vernier


[1] Archives municipales de Marseille.

[2] Voir : Marseille l’Italienne », sous la direction de Jean Boutier et Stéphane Mourlane, Arnaud Bizalion Editions, 2021.

Anthony Régnier (1835-1909), Petite italienne au quartier du Panier, 1885, huile sur toile, Marseille, Musée d’Histoire, fonds du Vieux-Marseille, n° inv. SN-MVM-30 V.
Médaille de La Société protectrice de l’enfance, Marseille, 1873, métal argenté, collection privée

Prix 2022 du Comité d’histoire de la Sécurité sociale

Créé en 1973 au sein du ministère des Affaires sociales, le Comité d’histoire de la Sécurité sociale a pour mission de contribuer à une meilleure connaissance de l’histoire de la Sécurité sociale et plus largement de la protection sociale de l’Ancien Régime à nos jours, de susciter des travaux scientifiques et d’en assurer ou d’en aider la diffusion.

Dans cet esprit, le Comité d’histoire récompense chaque année des thèses et des mémoires de master, achevés depuis moins de trois ans et se rapportant à l’histoire de la protection sociale au sens large (chômage et action sociale inclus), y compris dans sa dimension internationale. Les travaux doivent être rédigés en français ou en anglais.

En 2022, quatre prix pourront être décernés par le Comité d’histoire, à des thèses consacrées à des travaux de recherches historiques inédits et à des mémoires de master. L’ensemble est doté de 7 000 €.

Les personnes souhaitant concourir doivent transmettre leur dossier au plus tard le 10 mai 2022.

Il leur est demandé de fournir un dossier numérique composé de :

  • une lettre de candidature rédigée sur papier libre et présentant les raisons pourlesquelles le/la candidat/candidate considère que sa thèse ou son mémoire entre dansle champ d‘étude du CHSS,
  • la thèse ou le mémoire en format pdf, un ou deux exemplaires de la version impriméepouvant être demandé ultérieurement,
  • le rapport de soutenance pour les thèses,
  • un résumé (environ 8 000 signes pour les travaux en français et 20 à 30 000 signes pourles travaux en anglais),
  • un curriculum vitae complet

L’ensemble devra être adressé à l’adresse chss@sante.gouv.fr.

Insigne de membre du 1er Congrès International du BCG à Lille avec le portrait à l’avers du Dr. Albert Calmette, 1948

Au sortir de la Seconde guerre mondiale se tient à Lille à l’Institut Pasteur le  1er congrès international du BCG en juin 1948 en présence du Pr. Camille Guérin codécouvreur avec A. Calmette du vaccin du BCG (Bacille Calmette Guérin) et de Mme Émilie Calmette, épouse de Albert Calmette, pour échanger les résultats thérapeutiques sur les  progrès du vaccin contre la tuberculose  (1900-1933) en ces temps d’après une guerre qui a décimé sanitairement et affaibli les populations les plus précaires. 70 ans après se tiendra le 2ème Congrès international du BCG (du 3 au 5 décembre 2018) à Lille, dirigé par le Pr. Camille Locht du Centre d’infection et d’Immunité de Lille, en présence des chercheurs du monde entier.

Olivier Vernier

Insigne de membre du 1er Congrès International du BCG à Lille avec le portrait à l’avers du Dr. Albert Calmette, 1948, bronze, collection privée, photo O.Vernier

Marseille en temps de peste

À l’occasion du Tricentenaire de l’épidémie, le Musée des Beaux-Arts présente une dizaine d’œuvres majeures issues de sa collection. Dès la fin de la tragédie, les artistes élaborent les images qui serviront à la représenter. Ils fixent pour la suite l’image des grandes figures dont le courage a sauvé la ville de l’anéantissement. Pendant deux siècles, les institutions marseillaises vont commander à de grands artistes contemporains (David, Gérard, Guérin) des œuvres pour commémorer l’un des épisodes les plus dramatiques de l’histoire de Marseille.

Olivier Vernier

Baron François GERARD (1770-1837), Monseigneur de Belsunce pendant la peste de Marseille, c. 1825, Musée des Beaux-Arts de Marseille.

Quand les réformes de la protection sociale au XXe siècle sont symbolisées par le dessin et la caricature

La réforme française des Assurances sociales -sur le modèle bismarckien- fut longue et complexe[1] en raison des intérêts contradictoires entre assurés, employeurs et corps médical. La loi adoptée en 1930 grâce notamment au ministre niçois le Dr. Édouard Grinda  (1866-1959) et les textes ultérieurs  permirent la création de caisses  départementales officielles (à défaut de choix d’autres par les intéressés) et de caisses libres professionnelles, locales ou comme ici confessionnelles dans le département catholique des Basses-Alpes. Les risques sociaux majeurs vieillesse et invalidité sont pris en charge et la « pédagogie » (voir la publicité) prévalent et des affiches sont placardées dans des paroisses et mouvements catholiques, des officines pharmaceutiques et des cabinets de médecine libérale pour inciter à y adhérer.

Abordée d’abord par « le plan Juppé », présenté à l’Assemblée nationale le 15 novembre 1995,  la réforme de la Sécurité sociale sera incessante et remise en chantier, telle en témoigne cette caricature due au crayon implacable et talentueux de Cabu (1938-2015) et publiée dans la presse quotidienne régionale sur la réforme du Président Sarkozy et de la ministre de la Santé Rosine Bachelot,  initiant en 2010 la création d‘une cinquième branche de Sécurité sociale « Dépendance » qui ne verra le jour que bien plus tard…

Olivier Vernier

Jos. Girard, Affiche de la Fédération nationale catholique des Assurances sociales, mars 1929, collection privée
Cabu, dessin de presse : « Réforme de la santé », novembre 2010

[1] Voir Michel Dreyfus (dir.), Se protéger et être protégé : une histoire des assurances sociales en France, Rennes, presses universitaires de Rennes, 2006, 347 p.

2022!

La Président et tout le Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale PACA vous souhaitent une bonne année 2022 et vous présentent tous leurs vœux de bonheur, de réussite et de santé !

Fac-similé de carte Vitale

 Lors de la création de la Sécurité social par les ordonnances de 1945, une carte cartonnée est délivré aux ayants droit pour la présenter aux consultations médicales et aux délivrances de médicaments, elle sera par la suite mécanographiée. 

Depuis 1996, pour des raisons de sécurité, les caisses départementales d’assurance-maladie ont obligation de délivrer à tout bénéficiaire de l’assurance-maladie une «carte électronique individuelle inter-régimes», la carte Vitale. Conçue par le groupement d’intérêt économique SESAM-Vitale et son équipe de télétransmission/dématérialisation, c’est une carte à puce au format carte de crédit (plus précisément au format ID1) permettant de justifier les droits du titulaire de la carte (ou de ses ayants droit, mineurs ou conjoint) à la couverture par un organisme de sécurité sociale des dépenses de santé en France. 

Cette carte, identique pour tous les régimes obligatoires d’assurance maladie, est utilisable seulement en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer. Elle est complémentaire de la carte européenne d’assurance maladie qui ne peut pas servir sur le territoire national.

Olivier Vernier